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David Raya, ce gardien qui aurait pu jouer numéro 10

Véritable symbole de l’évolution du poste de gardien depuis quelques années, David Raya s’est fait un nom en Angleterre, au sein de la belle équipe de Brentford. Retour sur la trajectoire du troisième portier de la Roja, au jeu au pied si particulier, de Barcelone à la Premier League, en passant par le futsal, Blackburn et Southport.

« Le gardien de Brentford pourrait porter le numéro 10. Il a donné des ballons incroyables et c’était la chose à faire contre nous aujourd’hui ». À l’issue du 3-3 spectaculaire entre les Bees et Liverpool le 25 septembre 2021, Jürgen Klopp n’avait pas tari d’éloges pour décrire la performance de David Raya. Avant de susciter l’admiration des meilleurs entraîneurs outre-manche, le portier a connu un parcours atypique.

Né à Palleja, dans la région de Barcelone, le jeune David Raya est pourtant fan de la légende du Real Madrid, Iker Casillas. Le gardien en herbe touche ses premiers ballons avec son grand frère et ses amis, sur un terrain de futsal situé à côté de la maison de leurs parents. Les heures passées à s’amuser sur cette surface sont à l’origine de son aisance technique aujourd’hui. C’est d’ailleurs lors de l’une de ces parties que l’UE Cornellà le repère et le recrute. Andres Manzano, joueur puis scout au sein du petit club catalan, confie ses premières impressions pour The Athletic : « Son agilité, ses réflexes étaient impressionnants. Ses passes longues étaient précises. Il n’était pas timide et était passionné. Si vous m’aviez demandé si David deviendrait footballeur pro, j’aurais dit oui. »

L’aventure anglaise dans le Lancashire

Au début des années 2010, l’UE Cornellà dispose d’un accord avec Blackburn : les Anglais peuvent tester le plus grand espoir du centre de formation de la petite structure espagnole. À seize ans, David Raya est donc invité dans le Lancashire … et s’engage au terme d’un essai concluant. « Vous pouviez voir dès le départ qu’il avait du talent. Il s’entraînait comme un fou (…) Il avait fait beaucoup de travail avec ses pieds, je n’avais rien à voir avec ça. Il trouvait ça tellement facile, cela venait de son éducation. Mais, une fois l’entraînement terminé, il continuait à faire des dégagements avec moi », raconte John Keeley, coach des gardiens des Rovers à l’époque, toujours pour The Athletic.

Néanmoins, certains observateurs émettent quelques réticences, notamment en raison de sa taille, moyenne pour son poste (il ne fait que 1,83 m aujourd’hui). Ainsi, le jeune portier doit encore travailler avant d’apparaître avec les pro. Cela passe d’abord par des séances de musculation acharnées. Le dernier rempart est ensuite envoyé en prêt en 2014/2015 à Southport, en cinquième division, pour gagner en expérience. Quand il arrive dans le Merseyside, la formation n’a remporté que trois rencontres sur les quatorze premières journées. Ses titularisations, à partir du mois de septembre, coïncident avec le redressement des Sandgrounders Yellows.

Ces derniers enchaînent six matches sans défaite et s’extirpent de la zone de relégation. Gary Brabin a pris en charge Southport au moment de la signature de David Raya. Pour The Athletic, il est revenu sur cette période : « J’ai tout de suite eu un coup de foudre. Il était rare à l’époque, dans les ligues inférieures, d’avoir un gardien de but étranger. Il avait un petit quelque chose en lui et il le confirmait par sa façon de s’entraîner. Il était confiant, agile, et ses pieds étaient incroyables. »

Un prêt salvateur pour la suite

Ironiquement, ce séjour dans le nord-ouest de l’Angleterre est aussi l’occasion de taper dans l’œil des supporters de … Blackburn. Pour le Café Crème Sport, Ian Herbert, fan des Rovers et contributeur du site Brfcs.com, se souvient : « Southport a eu un beau parcours en FA Cup et Raya a été élu Homme du match contre Derby County, une rencontre diffusée à la télé pour le programme Match of the Day. »

À l’issue de cette expérience réussie, le portier retourne dans le Lancashire. Mais, il doit encore prendre son mal en patience pendant deux ans, avant de devenir titulaire. Au terme de l’exercice 2016/2017, Blackburn descend en League One. David Raya fait partie de la génération qui permet aux Rovers de remonter immédiatement : « Il a été très populaire pendant la saison 2017-18. Il a souvent réalisé des arrêts spectaculaires qui ont fait de lui le chouchou des supporters », décrit Ian Herbert. Ce dernier regrette tout de même sa « fâcheuse habitude de commettre de temps à autre une erreur fondamentale qui coûtait un but et son manque de constance. »

En deuxième division, David Raya maintient son niveau de performance. Ses prestations attirent l’attention de Brentford. Le 2 février 2019, Blackburn se rend justement à Griffin Park (ancien nom du stade des Bees). À la deuxième minute, les Rovers prennent l’avantage grâce à une contre-attaque initiée par une relance rapide et précise de leur gardien dans les pieds d’un milieu de terrain. Comme le relaie The Athletic, c’est à ce moment-là que Thomas Frank prend conscience de la nécessité de s’attacher les services de l’Espagnol.

L’envol du côté des Bees

Le coach danois n’est pas le seul à être séduit par les qualités du portier. « Oui, je l’avais remarqué quand nous avons joué contre Blackburn en Championship », abonde, pour le CCS, Stewart Purvis, président du groupe de supporter Bee’s United. L’été suivant, David Raya signe en faveur des Londoniens. Ses premières prestations convainquent immédiatement le fan de Brentford : « Nous avons tout de suite vu qu’il était meilleur que nos précédents gardiens, par exemple en ce qui concerne la distribution. »

Même son de cloche pour Dave Lane, éditeur de Beesotted : « David a impressionné dès le premier jour. » Si sa taille est toujours un sujet de questionnement, le joueur se rend indispensable en raison de la qualité de son jeu au pied : « Il est vrai que David n’est pas un gardien grand, qu’il peut être vulnérable sur les balles hautes dans la surface. Mais ses points forts l’emportent largement, son rôle de gardien-libéro est primordial dans l’organisation de Brentford », assure le fan pour le CCS.

Cependant, le portier ibérique a également connu des moments compliqués du côté de Griffin Park. Au terme de la saison régulière 2019/2020, les coéquipiers de Saïd Benrahma accèdent aux play-offs pour monter en Premier League. En finale, les Londoniens affrontent Fulham. Les analystes des Cottagers ont pointé du doigt le positionnement (avancé) de David Raya lors des phases arrêtées. Sur l’une d’elles, Joe Bryan le surprend sur un coup-franc à près de 40 mètres. Les pensionnaires de Vicarage Road ouvrent le score et l’emportent 2-1. Cette erreur a été difficile à digérer pour le joueur d’origine catalane, en témoignent les propos de son coach Thomas Frank à The Athletic : « Cela a été dévastateur pour lui. Je suis allé le voir après et je lui ai dit : Tu dois être plus courageux et avoir une position encore plus élevée l’année prochaine, et le faire mieux. »

L’examen de la PL réussi avec brio

Justement, la saison 2020/2021 est celle de la promotion pour les Bees. Ces derniers terminent troisièmes de Championship et remportent, cette fois-ci, les play-offs. Une épopée synonyme de remontée au sein du premier échelon du football anglais pour la première fois depuis 74 ans. A l’image de son club, David Raya s’adapte bien aux exigences de la PL. Dave Lane se remémore ce début d’exercice encourageant : « La Premier League est le terrain de prédilection de David, dont les compétences ont été saluées par Jurgen Klopp et Pep Guardiola. » Malheureusement, après la neuvième journée, fin octobre, le gardien doit composer avec un nouvel accroc de taille. Ainsi, une grosse blessure au genou l’éloigne des terrains pendant presque trois mois.

Ce pépin est également un coup dur pour les fans de Brentford : « Nous étions dévastés et avons perdu la plupart des matchs jusqu’à son retour », insiste Stewart Purvis. En effet, sur les quatorze rencontres disputées sans David Raya, les Londoniens s’inclinent à neuf reprises. « Nous avons réalisé combien la défense était confiante quand il jouait et combien elle était inquiète quand il ne jouait pas », poursuit le membre de Bees United. Encore une fois, sa réintégration dans le onze de départ coïncide avec le redressement de son équipe. Un sentiment confirmé par Dave Lane : « son retour et l’arrivée de Christian Eriksen nous ont permis de survivre et de prospérer en première division. »

Il faut dire que David Raya est toujours aussi central pour le plan de Brentford. En phase de construction, le rôle du dernier rempart évolue et il intègre la défense à trois (les centraux gauche et droit deviennent des latéraux). Dès lors, la qualité de ses relances au pied donne la possibilité aux Bees de ressortir court, au sol, vers les milieux, ou d’allonger vers les attaquants quand cela est nécessaire. Lors du fameux match face à Liverpool, la précision des dégagements du portier avait permis de sauter le pressing des Reds. Comme le note d’ailleurs The Athletic, au cours de l’exercice 2021/2022, le gardien espagnol, affichait un taux de précision de passe dans le camp adverse de 37,9 %. Un chiffre qui le plaçait devant Ederson (26,1 %) ou Ramsdale (24,9 %) et – presque – à égalité avec Alisson (38 %).

Une bonne dynamique poursuivie et récompensée

Cette saison encore, la qualité du jeu au pied de David Raya a été vitale lors de l’exploit réalisé par Brentford juste avant la Coupe du monde sur la pelouse de l’Etihad Stadium : « L’une des raisons pour lesquelles nous avons battu Manchester City est que nous avons opté pour des longs ballons, et ils ne sont pas habitués. La précision de Raya pour toucher les trois de devant avec ses dégagements était remarquable », souligne Stewart Purvis. Plus largement, ses statistiques sont encore éloquentes cette année en ce qui concerne, par exemple, les passes tentées et réussies.

Statistiques de David Raya sur l’année écoulée. Source : FBref.com

Ces performances ont convaincu Luis Enrique de convoquer David Raya dans le groupe de la Roja en mars 2022 et pour le Mondial, au détriment d’un certain David de Gea. Le joueur de 27 ans a même fêté sa première sélection face à l’Albanie avant de porter une deuxième fois le maillot rouge en avril contre la Jordanie. Troisième dans la hiérarchie pour la CDM, le dernier rempart ibérique n’a pas eu l’opportunité de fouler les pelouses qataries. L’échec en huitième de finale et l’intronisation de Luis de la Fuente au poste de sélectionneur pourraient rebattre les cartes. Et si David Raya en profitait ?

Crédit image principale : PlanetSport

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