A l'affiche Judo Sports de combat

Astride Gneto : « Mon but, c’est d’être présente sur chaque podium »

Six fois championne de France en individuel et par équipe, Astride Gneto est également médaillée mondiale et vainqueur de trois Grand Slam. Quelques jours avant de partir pour Tel-Aviv où elle jouera sa place pour les prochains championnats du Monde, la judokate de l’US Orléans s’est confiée sur son état d’esprit, son judo et ses ambitions avec les Jeux Olympiques de Paris en ligne de mire.

Comment avez-vous vécu le Grand Slam de Paris après les années sans spectateurs ?

C’est toujours génial parce que c’est le seul tournoi dans le judo où il y a autant de spectateurs et autant d’ambiance. Combattre dans notre ville et devant notre public, c’est incroyable. Malheureusement, je termine la journée sur une 5ème place, ce qui est très dur au vu de la préparation des Jeux Olympiques de Paris. Néanmoins, c’est toujours un immense plaisir de combattre à Paris.

Si ce résultat est décevant pour vous, vous restez tout de même sur une dynamique positive avec deux victoires en Grand Chelem en 2022 et une saison plutôt réussie dans son ensemble. Comment vous sentez-vous ?

Je me sens bien. La saison dernière a été bonne mais je suis actuellement dans le dur. C’est la deuxième compétition de suite que je fais sans podium. On ne peut pas toujours gagner certes mais j’ai parfois l’impression de m’éloigner du rêve olympique. Je vis parfois les montagnes russes.

Vous avez une catégorie très dense avec beaucoup de bonnes judokates en particulier en France où Amandine Buchard obtient de bons résultats. Comment vivez-vous cette concurrence où chaque résultat compte ?

Je pense qu’avec le temps, ma concurrence avec Amandine m’a poussée à être meilleure. Je n’ai pas d’autres choix. Face à moi, il y a une médaillée olympique qui est la titulaire de la catégorie. Par moments, il y a des doutes qui s’installent mais aujourd’hui le fait qu’elle soit devant m’a permis de progresser et en particulier lors de ces deux dernières années car je n’ai pas d’autres options qui s’offrent à moi. Je ne peux pas me permettre de me laisser aller et j’ai pour obligation d’être sur le podium lors de chaque compétition.

Repartir à Tel-Aviv où vous avez gagné l’année dernière, est-ce l’occasion de recréer une nouvelle dynamique ?

Oui. Je n’ai pas le temps de cogiter. Je combats dans quelques jours donc je dois mettre mes doutes de côté et foncer pour remporter de nouveau cette médaille d’or.

Vous partez pour ce tournoi en compagnie de votre sœur Priscilla (dans la catégorie des -57 kg). On sait à quel point la vie d’un judoka peut être difficile. Sa présence vous aide au quotidien ?

Oui, forcément. C’est prenant comme sport car comme je disais on a parfois l’impression de vivre les montagnes russes. Le fait d’avoir ma sœur qui est plus expérimentée que moi et qui a déjà eu une médaille olympique ça m’aide. C’est mon sang. Je ne peux pas avoir meilleur soutien qu’elle.

Nous sommes désormais à un an et demi des Jeux olympiques de Paris. Votre préparation n’est axée que sur cet évènement ou est-ce que vous prenez les choses au jour le jour ?

On aimerait prendre les choses au jour le jour mais ce n’est pas possible. Le matin, je me réveille en pensant à ces Jeux olympiques. On y pense tout le temps. Néanmoins, avant d’arriver aux Jeux, il y a d’autres étapes : les championnats du monde, les championnats d’Europe. Pour pouvoir y penser et m’y projeter vraiment, j’ai besoin de ces médailles mondiales et européennes.

En parlant du championnat du monde, la sélection n’est pas terminée, il reste une place à prendre. L’objectif c’est d’y aller afin de prouver que vous méritez ?

Il n’y a que neuf places pour ce championnat du monde et nous sommes sept filles pour une place libre. En dehors de la concurrence avec Amandine, il y a désormais de la concurrence entre toutes les filles de toutes les catégories de poids. On va toutes au Grand Slam de Tel-Aviv pour aller chercher cette dernière place. C’est très difficile car je veux la médaille d’or mais je ne suis pas la seule et ce sont des choses que je ne peux pas gérer. La seule chose que je peux contrôler c’est ma compétition.

Au quotidien, les entraîneurs regardent tout, des entraînements aux compétitions. Comment on se relève après chaque déception ou a contrario après des émotions positives ?

Je ne sais pas comment j’arrive à le gérer ! Encore ce matin, mon père me disait que ce sport demandait beaucoup de courage. Il y a une semaine, j’étais en pleurs à tout remettre en question. J’avais du mal à me relever et j’arrive ce lundi matin avec le sentiment de devoir repartir à 200 %. Oublier les doutes de la veille, ça demande beaucoup d’efforts et je me demande moi-même comment je fais. C’est pareil pour les autres filles. Blandine Pont, qui vient de gagner le week-end précédent doit y retourner car sa place n’est pas assurée. Nous n’avons pas le choix . En France, nous sommes quasiment la nation la plus forte donc nous sommes habitués. Nous savons depuis le début que ça doit se passer comme ça et nous sommes préparés mentalement pour.

Vous regardez ce que font ces concurrentes, ou vous restez focalisée sur ce que vous devez accomplir afin de ne pas vous polluer l’esprit ?

Au début, on a tendance à regarder tout ce qui se passe autour. Néanmoins, l’année dernière, je me suis rendu compte que ça n’était pas possible de vivre comme ça. Je ne peux pas gérer les compétitions des unes et des autres. Je dois absolument rester focalisée sur moi car cela demande déjà tellement d’énergie que si je commence à regarder tout le monde autour ça ne serait plus gérable.

Vous parliez de manque de confiance avec ces deux compétitions en deçà des espérances, comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

Aujourd’hui, je ne peux pas dire que je suis à 200 %. Je suis très dure envers moi-même. Je peux toutefois pas nier le fait que j’ai beaucoup progresser et que je suis bien meilleure en compétition. Ma confiance ne fait qu’augmenter même si le sport de haut niveau nous oblige à nous remettre en question à chaque fois. Même si l’on progresse, on a toujours besoin de plus.

Votre catégorie de poids (-52 kg) est très relevée. Quel regard portez-vous sur celle-ci ?

C’est une catégorie très dense. Aujourd’hui, il y a huit filles qui sont en tête de cette catégorie. Jusqu’à présent, en dehors d’Uta Abe et d’Amandine Buchard, je les ai toutes battues. Quand je regarde donc l’opposition, je me dis que ce n’est pas impossible et qu’il n’y a personne d’imbattable. Nos podiums sont généralement assez récurrents. on retrouve les mêmes visages et mon but c’est d’être présente sur chaque podium car je n’ai pas le choix.

Le Japon est venu à Paris avec une équipe différente, voire moins forte. Comment avez-vous vécu ce changement dans leur sélection ?

Dans ma catégorie, j’ai trouvé ça assez bizarre. J’étais surprise qu’Uta Abe ne soit pas engagée et en ayant regardé les autres compétitions, je n’ai pas eu l’impression qu’elle était présente. Je me dis que c’est le jeu et que c’est leur stratégie. Pareil pour Giles qui n’était pas présente à Paris. À leur place, nos entraîneurs auraient peut-être fait pareil.

Vous avez tout de même eu l’occasion de les croiser en stage ?

Giles, qui n’a pas fait la compétition à Paris, était au stage. C’est assez rare qu’on combatte l’une contre l’autre même en stage. Si on le fait, on ne veut pas tout montrer.

Qu’est-ce qui a changé dans votre manière de combattre ? Quel judokate êtes-vous aujourd’hui ?

Je suis une combattante très physique. Je pense faire partie des judokates les plus physiques de la catégorie. J’ai un o-uchi et un ko-uchi très fort. Mes mouvements sur l’arrière sont meilleurs. Il y a quand même un domaine où je pourrais progresser davantage c’est le sol et en particulier les liaisons debout-sol. Mon physique fait que les filles s’écroulent souvent donc je dois progresser car je loupe beaucoup d’occasions. Ca fait des années qu’on me le répète mais ce n’est pas encore mon fort. J’apprends !

Quelqu’un vous aide à travailler sur le sol ?

Ludovic Delacotte et Tony Rodriguez me fatiguent avec ça et à chaque entraînement, dès que je fais tomber ils sont sur mon dos et ne me lâche pas en me répétant d’enchaîner. Ce sont des répétitions et pour pouvoir le faire en compétition, j’ai besoin de le faire beaucoup à l’entraînement afin d’être sûre de moi lorsque l’occasion se présentera. Au début, j’étais fébrile au sol mais aujourd’hui ça va mieux.

On sait à quel point le ne-waza peut être épuisant, que pouvez-vous en dire ?

Quand j’observe mes anciens combats, 70 % étaient perdus au sol. Après quatre minutes de combat et quand on ne maîtrise pas le sol, la défense devient très difficile car on perd de la lucidité. Je pense que c’est comme ça que j’ai perdu beaucoup de combats au sol.

Sait-on quand la sélection pour les championnats du monde va être annoncée ?

Il ne reste que le Grand Slam de Tel-Aviv. C’est notre dernière chance et après on saura.

Dans votre préparation, qu’est-ce que ça change ?

À chaque compétition, on se dit que ça peut être la dernière chance. Aujourd’hui, si on n’est pas médaillée olympique ou mondiale, chaque tournoi auquel on va participer sera peut-être le dernier.

En dehors du judo, est-ce que vous avez d’autres projets ?

J’ai terminé l’année dernière ma formation de conseillère en image mais cette année et la suivante, ce sera judo exclusivement. Par la suite, je vais entamer une école en communication. C’est très important d’avoir un bagage à côté car on ne sait pas de quoi demain sera fait.

Dernière question, le judo est l’un des sports les plus pratiqués en France mais il manque de visibilité, comment vivez-vous cela ?

C’est dommage. On est une nation très forte. Chez les féminines, on a une équipe de tueuses. C’est dommage qu’en France ce ne soit pas récompensé. Notre équipe est formidable. Mes collègues ont des palmarès fous. Aux Jeux olympiques, c’est un des sports qui rapporte le plus de médailles !

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Café Crème Sport

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading