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Ils font briller la Pro D2 (3/4)

Aucagne Qadiri Lebreton Jarmouni

Bien sûr, le Top 14, autoproclamé « meilleur championnat du monde », attire la lumière. Sa petite sœur, la Pro D2, fait pourtant le bonheur des amateurs de rugby. Longtemps synonyme de jeu restrictif et de repaire à vieux grognards, elle est aujourd’hui passionnante et plus ouverte que jamais. Surtout, elle s’affirme comme une pépinière de talents. Zoom sur certains d’entre eux, avec une troisième étape montagneuse.

Étapes précédentes :
Colomiers, Carcassonne, Béziers et Provence Rugby
Biarritz, Mont-de-Marsan, Agen et Montauban

Grenoble : Karim Qadiri, le facteur X

Actuel sixième de Pro D2, le FCG peut espérer retrouver les phases finales, auxquelles il ne s’est pas invité en 2022. Ces progrès sont le fruit d’une politique de formation très forte. Les flèches Capuozzo et Hulleu, comme d’autres, sont parties sous d’autres cieux, mais les jeunes pousses grenobloises prennent une place importante dans la rotation. Cette ossature locale a besoin d’un match winner et elle l’a trouvé, en la personne de Karim Qadiri. Formé à l’école massicoise, l’ailier rejoint le Stade français à 20 ans mais n’y fait pas son trou. Son pari ? Se relancer en Fédérale 1, du côté de Beaune. Après deux saisons pleines, retour dans le circuit professionnel, à Grenoble. Au pied des Alpes, il se rend vite indispensable. En deux saisons et demie, il comptabilise 57 matchs et 28 essais.

Un ratio d’un essai tous les deux matchs qui reflète les qualités de finisseur exceptionnelles de Qadiri. Collé à la ligne de touche, l’international marocain (4 sélections, 2 essais) ne répond pas au profil de l’ailier moderne qui vient chercher des ballons au cœur du jeu. Peu enclin à se proposer dans la ligne, le Grenoblois reste une menace offensive plus que sérieuse, tant il est difficile de défendre sur lui en 1 vs 1. Lancé, il sait user de sa puissance (99 kg pour 1,89 m) comme de ses appuis déroutants pour éliminer son vis-à-vis. Avec 10 essais en 13 matchs, Karim Qadiri devrait parvenir à battre son total de la saison dernière (12 essais en 21 matchs). À 26 ans, il a de belles années devant lui… et encore quelques en-buts à visiter.

Oyonnax : Kévin Lebreton, poil à gratter

Si vous faites tomber vos clés de bagnole dans les rues d’Oyonnax, Kévin Lebreton a peut-être déjà les mains dessus. Et il est solide sur ses appuis, alors bon courage pour les récupérer ! Depuis plusieurs années, le troisième ligne, passé notamment par Aurillac et Rouen, est une référence à son poste en Pro D2. Archétype du plaqueur-gratteur, Lebreton est un poison pour les attaquants adverses. Pas très grand (1,78 m), l’Oyoman profite de son centre de gravité très bas pour rayonner dans le jeu au sol. Son activité diabolique dans ce secteur fait de lui le meilleur gratteur de la division, un titre que seul le Biarrot Dyer est en mesure de lui contester. Mais, non content de mettre les paluches dans tous les rucks et de plaquer à tour de bras, Lebreton n’est pas fâché avec le ballon.

Utilisé exclusivement en n°6 par le staff haut-bugiste, Kévin Lebreton est le plus souvent associé à Loïc Crédoz (n°7) et Rory Grice (n°8) dans une troisième ligne parfaitement complémentaire. Tandis que Grice porte beaucoup le ballon et évolue dans un registre frontal, Lebreton brille par son activité, par sa capacité à être le premier soutien et à jouer dans les intervalles. Plaqueur, gratteur et coureur, le flanker de 28 ans est incontournable à Oyo. Preuve que l’on peut exceller dans les tâches défensives et se muer en attaquant efficace, il a été titularisé 12 fois cette saison et a marqué 5 essais. C’est moins que Benjamin Geledan et Thomas Laclayat. Les deux compères de la première ligne sont les meilleurs marqueurs d’une équipe qui – le dauphin montois est à 20 longueurs – règne sans partage.

Aurillac : Antoine Aucagne, leader en devenir

Doit-on parler de concurrence ou de complémentarité ? Marc Palmier et Antoine Aucagne se partagent le temps de jeu à l’ouverture et, bien qu’ils aient des caractéristiques différentes, les deux jeunes joueurs (23 et 22 ans) entrent à merveille dans le projet de jeu aurillacois, qui repose depuis de nombreuses années sur un n°10 organisateur. Palmier, qui est déjà une valeur sûre en Pro D2, disait, fin décembre, « avoir l’ambition de jouer en Top 14 » dans les colonnes du Midi olympique. Qu’il parte ou qu’il reste, Aurillac peut voir venir car la relève est assurée. Depuis son baptême du feu en septembre 2020, le neveu de David Aucagne a disputé 30 matchs professionnels, dont 11 comme titulaire, et a inscrit 74 points. Des statistiques modestes, qui ne reflètent guère l’assurance qu’il affiche sur le pré.

L’ouvreur de 22 ans s’impose doucement mais sûrement dans l’effectif aurillacois. (© Loïc Cousin/Icon Sport)

Car le Vichyssois, qui s’est offert un match référence lors d’un succès devant Nevers (23-16, 13 points marqués) à la 11e journée, a surtout brillé au niveau Espoirs jusqu’à présent. Au même titre que l’inépuisable Beka Shvangiradze ou le capitaine Théo Cambon – avec lequel il est devenu international universitaire en avril 2022 – Aucagne est un grand artisan du titre de champion de France obtenu par les Espoirs cantalous en juin dernier. Celui dont l’idole se nomme Finn Russell a montré l’étendue de son talent pour renverser Clermont, Perpignan puis Toulouse et s’adjuger le bouclier. Gestionnaire, impeccable dans son jeu au pied d’occupation autant que face aux perches, inspiré dans l’animation et vocal dans son leadership, Antoine Aucagne a rempli son rôle de patron. Reste à faire de même avec les grands… et ce n’est qu’une question de temps.

SA XV : Yassine Jarmouni, à la recherche du temps perdu

Dans le sport de haut niveau, il y en a qui suivent la voie royale, qui réalisent un parcours parfait, académique. D’autres doivent sortir des sentiers battus, reculer pour mieux sauter. Yassine Jarmouni est de ceux-là. Pourtant, il rejoint le club de Narbonne, qui évolue alors en Top 14, dès l’âge de 11 ans, laissant présager une trajectoire linéaire. En crabos, il part pour Montpellier. Dans l’Hérault, « Tana » comme il est surnommé en référence à son idole Tana Umaga, joue… pilier. « J’avais 16 ans, je faisais 122 kg », se souvient-il. Il n’éprouve aucun plaisir et quitte le MHR. Retour au RCNM, où il se fixe au centre de la troisième ligne. Ses qualités de porteur de ballon ne passent pas inaperçues, tant est si bien qu’en janvier 2015, il est convoqué en équipe de France U20. Quelques jours avant son départ pour Marcoussis, il est victime d’une blessure aux ligaments du genou. Fin du rêve bleu et fin de saison.

Avec Aubenas-Vals, Yassine Jarmouni (à gauche) avait fait des misères à son futur club, le SA XV, la saison dernière en Nationale. (© Anne Lacaud)

Yassine Jarmouni, après une longue rééducation, retrouve le chemin des terrains et confirme les promesses entrevues. En avril 2017, il signe son premier contrat professionnel. Un contrat que lui avait promis l’éphémère président Rocky Elsom un an plus tôt, avant de revenir sur sa décision. Présent sur plusieurs feuilles de match en Pro D2, le n°8 semble lancé pour de bon. C’était sans compter sur la liquidation judiciaire de la SASP narbonnaise à l’été 2018. Jarmouni se retrouve au chômage et ne sait pas qu’il lui faudra quatre saisons pour retrouver une place dans l’antichambre de l’élite. Son rebond n’étonnera pas les suiveurs de la Nationale, où il a brillé la saison dernière sous les couleurs d’Aubenas-Vals, après trois ans en Fédérale 1. Relégables, les hommes de Vincent Etcheto comptent sur le puissant troisième ligne (1,85 m et 110 kg) pour les tirer de ce mauvais pas.

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