A l'affiche Boxe

Quand la boxe fait son cinéma

Sortant demain, 1er mars, sur les écrans, Creed 3 n’est que le dernier avatar d’une immense lignée de films se déroulant dans l’univers de la boxe.

Rien d’étonnant à ça, tant Noble et Septième Arts ont, depuis toujours ou presque, marché main dans la main. Vaste et longue histoire qui remonte quasiment à la création du cinématographe ou peu s’en faut. Et si le présent texte n’est pas l’endroit où analyser la raison de telle romance, indiquons cependant que le média semble idéal terrain de jeu pour que la discipline s’y déploie avec aisance.

Dramaturgie, figures bigger than life (alliant dépassement de soi et héroïsme du quotidien), souffrance et rédemption, violence graphique, suspense et haletants retournements de situation, sang, sueur et larmes : la narration d’un combat ressemble tant à une tragédie antique qu’on pourrait croire le sport inventé pour qu’on relate ses féroces batailles au sein de flamboyantes épopées revisitées sur grand écran.

La liste de films appartenant au genre se montre ainsi si longue qu’un simple article n’y suffirait pas. D’autant que les machins à peine regardables s’y montrent, ô combien, plus nombreux que les produits dignes d’intérêt. Nous avons, en ce sens, fait le choix de la pure subjectivité en même temps qu’évoquer des titres renvoyant à des œuvres ou combattants qu’il nous semblait important de citer.

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Le champion (King Vidor, 1931)

Le premier est primordial puisqu’il installe rien moins que les bases du genre : instaurant les figures récurrentes (on n’ose écrire « clichés ») de ce qui se répétera ad nauseum au fur et à mesure des décennies suivantes. Du bon gros drama des familles qui n’hésite pas à bien jouer la carte du pathos excessif, quitte à en rajouter plusieurs couches pas forcément utiles (puisqu’on sait que, selon la logique hollywoodienne, trop n’est jamais assez).

Soit l’édifiante histoire d’un boxeur loser qui va remonter sur le ring pour l’amour de son fils (on schématise à peine). Le film a beaucoup fait pleurer, permis à Wallace Berry de recevoir un Oscar et le modèle conçu plaira, en fait, tellement qu’il eut droit à un remake, réalisé en 1978 par Franco Zeffirelli et dans lequel Jon Voight roule des épaules comme un pro – puisque incarner un pugiliste est devenu passage presque obligé dans la carrière de tout comédien adepte des challenges qui se respecte.


Gentleman Jim (Raoul Walsh, 1942)

Gentleman Jim, c’est, direct, rien moins qu’un des meilleurs (sinon le meilleur) film(s) du genre, indémodable classique dont le visionnage demeure toujours aussi jubilatoire, plus de quatre-vingts ans après sa création.

Réalisé par le maestro Raoul Walsh, il relate la vie de James Corbett (alias le Gentleman Jim du titre, eu égard à son style tout en finesse et ses manières de châtelain), premier champion de l’ère moderne (avec des gants et sous l’égide de règles du marquis de Queensburry), qui défit l’homme des cavernes John L . Sullivan et permit ainsi de faire entrer la boxe dans son âge adulte. Instaurant même un schéma depuis quasiment toujours vérifié lors de l’affrontement d’une brute et d’un styliste : le cerveau l’emporte invariablement sur les muscles (et ce ne sont pas, entre autres, Dempsey, La Motta, Liston, Foreman, Hagler ou encore Toney qui diront le contraire).

Alors, on est, certes, plus proche de la fable que du biopic naturaliste et c’est tant mieux. Se dégagent de l’ensemble une fluidité, une évidence, une euphorie qui lui permettent de traverser les années sans une ride ou presque – à peine se pare-t-il d’une légère patine qui lui va à ravir.

Le final, au son de Ce n’est qu’un au revoir, restant toujours aussi poignant : lui qui parvient, tout en délicatesse, à en dire plus et mieux qu’un pompeux discours sur le passage de flambeau d’une génération à l’autre. Un classique, on vous dit.


Nous avons gagné ce soir (Robert Wise, 1949)

Avec Nous avons gagné ce soir, on est plus proche du drame naturaliste – noir et blanc charbonneux, unité de temps, de lieu et d’action (tout se déroule quasiment en temps réel dans le vestiaire qui précède le combat), dilemme moral du protagoniste qui ne sait s’il va ou non se coucher lors de son combat à venir, ainsi que le lui ont intimé les caïds qui rôdent autour. Aucun gras, rien que du nerf et de l’os.

Et si on peut s’avouer un peu rétif devant le minimalisme de l’ensemble, il faut avouer qu’il rend également bien compte d’une certaine ambiance (entre magouilles, matchs arrangés et honneur bafoué puis retrouvé du loser mais vainqueur d’un soir) qui était celle de la boxe d’alors – on parle des entourages plus que louches des Rocky Graziano ou Jake La Motta (lequel, hasard ou coïncidence, deviendra champion du monde quelques mois à peine avant la sortie du film) qui pullulaient dans ce panier de cabre géant. L’époque où la pègre régnait sur la discipline : laissant la responsabilité de leur propos à ceux qui (comme l’illustre agent de boxeurs George Kanter) ont pu déclarer que les malfrats d’alors, pour pénibles qu’aient été leur mainmise, affichaient plus de respect que certains promoteurs d’aujourd’hui. On se demande bien de qui il voulait parler…


Plus dure sera la chute (Mark Robson, 1956)

On continue sur similaire thématique (et encore à travers ce noir et blanc qui sied tant au films noirs d’alors) avec ce faux biopic de Primo Carnera. Champion des Poids Lourds durant les années 1930, il dut sa notoriété moins à ses talents de pugiliste qu’à l’infamante façon dont il l’était devenu : en l’occurrence une ribambelle de combats arrangés par ses commanditaires (qui frayaient, on s’en doute, du mauvais côté de la loi). On parle de « faux » biopic dans la mesure où les noms des protagonistes (ainsi que certains faits) ont été changés. Mais nul n’est dupe et c’est bien le parcours du colosse italien qui est relaté sous nos yeux.

Pour passionnante que soit l’histoire de base, son adaptation sur grand écran épouse, hélas, plus les contours du film à thèse (du style à servir de base à un bon vieux Dossiers de l’écran des familles) qu’à une œuvre artistique qui aura marqué son temps.

Le tout (que ce soit à travers le manichéisme du script, la mise en scène figée de Mark Robson ou le jeu d’un autre temps de la plupart des acteurs) accusant son âge. Mais on a aussi droit à un Bogart, plus minéral que jamais, qui assure comme toujours le taf et donne envie d’aller explorer plus en profondeur ce qui nous est raconté. Même que, pour une fois, on ne dirait pas non à un nouveau film sur le sujet.

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Fat City (John Huston, 1972)

On rentre dans du lourd, puisque Fat City est souvent cité comme LE film de boxe ultime, le chef-d’œuvre, l’épitomé du genre. Réalisé par John Huston (d’après le célèbre roman éponyme de Leonard Gardner, lui-même ancien combattant), il fait partager le quotidien de miséreux du ring incarnés par Stacy Keach et un Jeff bridges alors tout jeunot.

Le film s’inscrit pile dans son époque (1972), celle faisant la part belle à l’Amérique des losers, des laissés pour compte, des misfits, tous les oubliés du rêve américain. Ceux que les films de ce qu’on a appelé Le Nouvel Hollywood ont mis à l’honneur durant toutes les seventies. Une thématique qui ne pouvait que parler à Huston, lui qui s’était fait le spécialiste de la représentation de l’échec.

Solitude, alcoolisme, rêves brisés, spleen à tous les étages : c’est peu dire qu’on ne patauge pas spécialement dans l’optimisme. À tel point qu’il est permis de trouver que l’ensemble appuie un poil trop sur le misérabilisme, tant les auteurs ne craignent pas de charger la mule plus que de raison.

On se permettra ainsi (à l’instar d’un autre film plus loin dans la liste) de plutôt conseiller le roman que le film adapte. Unique œuvre de son auteur qui, lorsqu’on lui demandait pourquoi il n’avait rien écrit d’autre, répondait laconiquement que c’était la seule histoire qu’il avait à raconter.

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Rocky (John G. Avildsen, 1976)

Sans doute LE titre le plus représentatif du genre au point d’en être devenu l’archétype. Souvent présenté comme l’antithèse absolue de Fat City, tant la figure de son perso principal est entré dans la mythologie ricaine triomphante, Rocky (le premier film en tous cas) n’est pourtant en réalité pas si éloigné des atermoiements du titre précédent. Qui a grandi avec l’imagerie blingbling des chapitres 3 et 4 étant même surpris, à la revoyure, de constater combien le film originel s’inscrit en partie au sein des canons esthétiques de son époque – filmage brut en décor naturel, partage du quotidien des petites gens, recherche du réalisme jusque dans les plus petits détails. En partie seulement néanmoins, car Stallone ne vise pas la même chose que Huston, poète, on l’a vu, de la faillite des hommes.

Ce qui intéresse l’Étalon Italien, c’est au contraire la lumière au bout du tunnel, la victoire que renferme la défaite, l’accomplissement personnel d’un underdog seul contre tous – la rose poussant sur le fumier.

Ce premier chapitre, qui tient, on l’aura compris, plus de la fable que de la chronique réaliste (plus Gentleman Jim que Fat City en somme) reste, aujourd’hui encore, formidable de premier degré assumé et d’une exemplaire fluidité dans son déroulement. Qu’importe l’âge auquel on le découvre, son incroyable vitalité est de celle qui fait croire en ses rêves (et tant pis si tout ça sonne un peu fleur bleue). On voit les ficelles, oui. Mais on s’en fiche tant ça fonctionne du tonnerre. Faisant de l’ensemble l’une de ces œuvres qu’on connaît par cœur, à l’image près, et qu’on ne peut pourtant s’empêcher de visionner jusqu’à la fin si on tombe dessus par hasard, zappant sur la télé un soir de désœuvrement.

Sly aura la main, ô combien, plus lourde en décidant de déraisonnablement décliner son film-fondateur en des succédanés de moins en moins avouables (épousant en cela les aléas d’une carrière dangereusement contorsionniste). Jusqu’à, twist des plus inattendus, accoucher d’un dernier volet dont le titre même (ce Rocky Balboa tout simple) boucle la boucle et permet d’admirer trente ans de parcours d’un homme, de ses années de chien fou à sa belle maturité, de la faim à la sagesse durement acquise, de la révolte à l’acceptation apaisée.

Stallone, à l’instar de Flaubert et son héroïne de fiction la plus illustre, pouvant affirmer : « Rocky, c’est moi ».

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Raging Bull (Martin Scorsese, 1980)

Raging Bull, c’est bien sûr LE titre phare, l’œuvre respectable, celle qu’aiment à citer même (voire surtout) ceux qui n’aiment pas la boxe – car, voyez-vous, « c’est tellement plus qu’un simple film de bagarre ! » (à prononcer en se bouchant le nez avec un petit air de mépris).

Et c’est de fait à la fois sa force et sa faiblesse. Car on a beau adorer Scorsese, ça se voit (et lui ne dit nullement le contraire) que la discipline ne l’intéresse pas, que son protagoniste ne le passionne pas plus (l’autobiographie de Jake La Motta, qu’il est censé adapter, l’avait copieusement ennuyé) et qu’il profite du matériau de base pour accoucher d’un film qui, faisant, la liaison entre Taxi Driver et certaines de ses œuvres futures (présence de l’immuable Paul Schrader au scénario oblige), est surtout prétexte à nouvelle variation autour de ses éternelles obsessions. Soit, en bon catholique contrarié qu’il est, un récit sur la tentation du péché, la culpabilité du mal, la recherche de la grâce et la quête de la rédemption (parlez d’un léger programme).

En résulte un objet esthétiquement magnifique, notamment doté d’un sublime noir et blanc et dont la forme affiche un 4 étoiles à tous niveaux. Mais un objet, aussi beau soit-il, dont on peut regretter le manque de cœur, pour ne pas dire la relative froideur – un comble pour un italo-américain de la trempe de Scorsese.

Un peu comme, au musée, on admire une toile plus qu’on ne la ressent, le genre d’œuvre qui s’appréhende moins avec les tripes qu’avec le cerveau.,

Ou, si on tient à effectuer hasardeux parallèle avec le tout récent Noble Art, on dira que Rocky, c’est un Fury vs Wilder – bourrin et pataud mais devant lequel on peut prendre un panard monstre. Raging Bull, c’est le premier Joshua vs Usyk : beau et technique mais pour lequel on regrettera l’absence de frissons.

L’un n’est pas forcément meilleur ou moins bon : on a par contre le droit d’en préférer un à l’autre (devinez vers qui penche notre cœur).

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Homeboy (Michael Seresin, 1988)

Si Homeboy fait partie de cette liste, c’est assurément moins pour ses qualités artistiques (on n’est pas loin du naveton larmoyant, sorte de sous-Fat City sans l’apport hustonien) que pour la présence en tête d’affiche d’un Mickey Rourke alors star planétaire (il sortait tout juste du triplé gagnant L’année du dragon / Neuf semaines et demie Angel Heart). Lequel, en pleine crise existentielle, s’offrit ce produit (dont il a rédigé le script sous pseudonyme) en forme d’autobiographie fantasmée – lui qui s’essaya à la boxe dans sa jeunesse. Et qui, surtout, y retourna une poignée d’années plus tard, lassé de la fausseté du cirque hollywoodien.

Et au-delà de sa carrière sur le ring, on peut saluer l’initiative sauf erreur inédite. Puisque si nombre de pugilistes ont ensuite embrassé la carrière de comédien, un acteur décidant de monter sur le ring afin de livrer vraies batailles est, par contre, situation inédite.

Autodestruction, démons intérieurs et le ring comme exutoire à sa rage : gageons qu’un jour la vie de Rourke fera à son tour l’objet d’un film – mise en abyme en idéale manière de boucler la boucle.

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Triumph of the Spirit (Robert Young, 1989)

Titre très (trop) peu connu qui relate l’expérience vécue de Salamo Arouch, boxeur grec qui survécut à Auschwitz en remportant plus de deux cents combats – rencontres organisées par les dignitaires du camp et dont le perdant était emmené à la mort.

Si le film a du mal à se hisser à la hauteur de son écrasant sujet, il reste par contre en tête par la prestation habitée d’un Willem Dafoe qu’on a rarement vu aussi intense, tout en physique noueux et regard halluciné. Faisant passer par sa seule silhouette suppliciée la détresse et l’ignominie d’une situation au-delà des mots.

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Les adversaires (Ron Shelton, 1999)

Play It To The Bone (en v.o. dans le texte), c’est le coup de cœur perso, le petit film trop méconnu, la pépite que les initiés se refilent comme un trésor inexplicablement passé sous le radar. La qualité du film ne devrait pourtant pas étonner quand on connaît l’œuvre de son réalisateur. Ron Shelton, spécialiste des films sportifs iconoclastes et décalés, qui a notamment porté son regard narquois sur les univers du basket avec Les blancs ne savent pas sauter, du base-ball avec Duo à trois et même du golf avec Tin Cup.

Le jubilatoire présent film, sous couvert d’un road-movie menant deux potes vers un combat qui les verra s’opposer, investit cette fois-ci l’univers de la boxe : à la fois pour en suivre les règles mais aussi en produire la parfaite antithèse. Égratignant un milieu que l’auteur semble très bien connaître – l’ensemble est truffé d’allusions à des faits et noms qui ne parleront qu’au fan – tandis que s’y succèdent, dans tous les coins de l’écran caméos de grandes figures de la discipline.

Woody Harrelson et Antonio Banderas y dont juste parfaits en pugilistes à moitié cinglés et cabossés par la vie mais qui n’ont pour autant pas renoncé, en dépit des bâtons qu’on leur met dans leurs roues voilées, à un dernier ride vers une reconnaissance incertaine.

En résulte une sorte de Fat City fun et ironique, qui ne se prendrait pas au sérieux. Mais sans que ça l’empêche de se montrer d’une franche véracité sur les situations qu’il dépeint (puisque, comme chacun sait et ici plus que jamais, l’humour est la politesse du désespoir).

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Ali (Michael Mann, 2001)

Ali, c’est un peu dans le syndrome Raging Bull. Un grand réalisateur (Michael Mann, auteur du sur-célébré Heat), un grand biopic, de grandes ambitions (mêler grande et petite Histoire au sein d’un récit épique), une grande reconstitution, de grands acteurs et on en passe. Le tout pour un résultat un peu similaire : un objet un peu figé, beau à regarder mais qui manque un peu de sève et respecte tant son modèle qu’il en oublie de passer la troisième.

Et si on apprécie de voir des trognes comme James Toney (dans le rôle de Joe Frazier) ou Michael Benett (dans celui de Sonny Liston) faire face à Will Smith, il est permis de se montrer chagriné par le constant révisionnisme affiché par le film. Celui-ci gommant bien des aspérités de son protagoniste, jusqu’à en faire, au fur et à mesure de la progression du récit, une figure quasi messianique qui frôle le ridicule (cf. cette impayable scène de Ali courant entouré de mômes avant son combat contre Foreman).

Et s’il ne s’avère pas foncièrement désagréable à mater, mieux vaut revoir quelques-uns des documentaires, moins allergiques à la langue de bois, qui parlent du grand homme (et qu’on évoquera un jour dans un papier spécialement dédié).

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Un seul deviendra invincible (Walter Hill, 2002)

Avec Undisputed, on est à la limite du hors sujet, le film tenant en fait plus du sous-genre « film de prison » que du film de boxe à proprement parler.

Mais si on le cite, c’est parce que le réalisateur Walter Hill, grand connaisseur de la discipline, s’est, pour son histoire, ouvertement inspiré du parcours de Mike Tyson (ici incarné, sous un autre nom, par un musculeux Ving Rhames tout en morgue et bestialité). Lui imaginant une drôle d’histoire de rivalité avec un taulard censément invaincu (le Undisputed du titre original) lors de ses trois années d’incarcération au milieu des années 90.

Un film en forme de sincère hommage au Noble Art, aussi modeste que touchant. Dont on peut prendre le personnage de Peter Falk (mafieux en fin de vie qui déroule ses souvenirs de spectateur fan de boxe) comme une extension du cinéaste lui-même. Puisque raconter des histoires permet de perpétuer les figures d’antan. Et tant pis si celles-ci ne sont pas toujours vraies – on sait ce qu’a proclamé John Ford à ce propos.

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Dans les cordes (Charles S. Dutton, 2004)

Celui-ci, tout à ait quelconque, est juste l’occasion de parler d’une obsession perso, sachant que les protagonistes sont inspirés de la manageuse-bimbo (ainsi qu’elle se surnommait elle-même) Jackie Kallen (ex attachée de presse du mythique Kronk Gym de Détroit et jamais avare en anecdotes priceless) et de son poulain le plus fameux, James « Lights Out » Toney, soit l’un des combattants préférés all time de l’auteur de ces lignes.

Et comme semble adéquate toute occasion pour l’évoquer, on n’allait pas passer à côté. Ne regardez pas le film (bien qu’il donne à partager un chouette parcours de vie), matez plutôt les combats de James Toney. On ne parle jamais assez de James Toney. Vive James Toney !

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Million Dollar Baby (Clint Eastwood, 2004)

On avoue notre perplexité devant l’aura du titre. Un gros machin larmoyant et indigne de son auteur (un Eastwood qu’on a connu autrement plus inspiré) mais qui permet d’évoquer la figure de F.X. Toole, atypique personnage (qui eut mille vies, dont celle de soigneur dans le coin de boxeurs) dont l’excellent recueil de nouvelles La Brûlure des cordes (qui possède, entre qualités, d’offrir ce qui reste sans doute l’une des meilleures phrases d’introduction jamais rédigées) a inspiré le présent film.

Comme pour le précédent, on peut s’en épargner le visionnage et directement faire l’acquisition du livre. Qui apprécie les récits de boxe âpres et profonds ne sera pas déçu, oh que non.

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De l’ombre à la lumière (Ron Howard, 2005)

C’est un peu le Rocky des années 2000. L’outsider qui seul croit en lui et va, contre toute attente, s’en aller terrasser le champion réputé indétrônable. Récit d’autant plus édifiant qu’il est tiré d’une histoire vraie – celle de James Braddock, besogneux des rings, qui parvint, à force de ténacité, à ravir la couronne suprême des Lourds à l’idole Max Baer.

Parfait récit hollywoodien, ode au courage des plus humbles et à l’importance de croire en ses rêves – ce qui, ma foi, est toujours bon à prendre. Le souci, c’est que Ron Howard, honnête artisan s’il en est, n’affiche ni la personnalité d’un Avildsen ni le caractère d’un Stallone. Ses films font le taf, souvent amidonnés, ni bons ni mauvais, toujours un peu fades et plats. Il y a largement pire en la matière, mais largement mieux aussi.

(profitant de l’occasion pour adresser un salut à Ben, éminent membre de la team, qui a fortement suggéré d’évoquer le film. Comme il affiche respectable carrure de poids lourd, on s’est rappelé de la formule d’Audiard selon laquelle « Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, les types de 60 kilos les écoutent »)

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The Fighter (David O. Russell, 2010)

Sur le papier, The Fighter ressemble à un cauchemar de produit formaté, auquel on n’échappe d’ailleurs pas toujours. Sous prétexte de relater la vie de Micky Ward, voici qu’on nous sert, plus que de raison, du misérabilisme, de l’authenticité assenée à chaque image, de la crasse, de la pauvreté, de la drogue, de la famille dysfonctionnelle, de la lose à tous les étages – n’en jetez plus.

Fallait-il la patte de David O. Russell (curieux metteur en scène toujours un peu en marge, capable de passer de l’expérimentation la plus imbitable au classicisme le plus hollywoodien) pour empêcher le tout de verser dans le pathos qu’on devine prêt à inonder chaque coin de cadre. Lui qui choisit une étonnante légèreté pour contrer le trop-plein qui menace d’à tout instant engloutir le spectateur.

Et si l’ensemble bascule plus souvent qu’à son tour dans des excès qu’on aurait souhaité éviter (Christian Bale qui en fait des mégatonnes en frangin junkie, c’est à toi qu’on pense), Russell parvient à instaurer suffisamment de distance et de sobriété pour rendre le tout regardable. De quoi regretter qu’il se soit senti si peu concerné par ce qu’il filme, lui qui ne s’est jamais caché d’effectuer une commande sans plus s’investir que ça dans le projet. Au vu du résultat finalement plus qu’honorable, subsiste la sensation d’être passé à côté de quelque chose de bien plus enthousiasmant. Dommage.

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Match Retour (Peter Segal, 2013)

Grudge Match, c’est le machin qui devrait être gênant à tous niveaux mais qui fait preuve d’une telle bonne humeur qu’il gagne la sympathie de tous, à commencer par celle du spectateur.

Soit un titre qui repose sur son seul concept : la rencontre de Rocky et de Raging Bull, un Stallone et un De Niro vieillissants, qui s’amusent à jouer avec leur image avec un plaisir non feint.

Ça ne révolutionne strictement rien mais le film parvient à se montrer drôle, ne se prend en rien au sérieux, multiplie les punchlines vachardes (big up à Alan Arkin, immense acteur) et permet même de voir Chael Sonnen (en personne et dans son propre rôle) se faire coucher par un Sly en grande forme. Que demander de plus ?

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La rage au ventre (Antoine Fuqua, 2015)

La rage au ventre, c’est un peu comme si quelques décideurs hollywoodiens avaient décidé de créer LE film de boxe, celui qui rassemble à peu près tous les clichés du genre, de façon à accoucher du titre ultime en la matière – pas un hasard si le script est signé de ce gros finaud de Kurt Sutter (lui dont la série Sons of Anarchy ne brille pas particulièrement pas sa subtilité).

Ainsi ce récit de pugiliste tombé au fond du trou qui va reconquérir sa ceinture à la force de ses uppercuts enquille à peu près TOUS les passages obligés du genre. Et il n’est pas surprenant que la promo du film se soit faite moins sur l’historie racontée que sur les performances extra-sportives de ses intervenants, à commencer par le régime et l’entraînement de spartiate endurés par Jake Gyllenhaal – sur lesquels il y a en effet bien plus à dire que sur le scénario.

Après, c’est suffisamment bien empaqueté pour faire le job un soir de grande fatigue intellectuelle (savoir-faire du réal, Antoine Fuqua, oblige) et on ne demande parfois pas plus à l’existence.

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Bleed For This (Ben Younger, 2016) & Outsider (Philippe Falardeau, 2016)

On a mis ensemble ces deux-ci, vu qu’on les trouve étonnement proches, autant pour leur date de sortie que pour leur sujet (un vie de boxeur) mais aussi la façon d’aborder leur thème. Deux biopics qui se distinguent un peu du tout venant par la réalisation à hauteur d’homme qu’ils choisissent d’adopter.

D’un côté, la vie tumultueuse de Vinny Pazienza, dont on se souvient pour sa victoire sur Gilbert Délé (snif) mais aussi et surtout pour l’accident de voiture qui faillit le laisser paralysé et dont il parvint à se remettre, à force de féroce ténacité. Jusqu’à remonter sur un ring et y performer presque comme avant.

De l’autre, l’étude du cas Chuck Wepner, illustre inconnu passé à la postérité pour avoir fait trébucher l’icône Muhammad Ali un soir de 1975 et, dans un même élan, inspirer à Stallone son personnage de Rocky, le fighter au si grand cœur qu’il ne sait même pas que renoncer est possible.

Les deux, en dépit de nombreux clichés et des écarts avec la réalité des faits et de leurs modèles (dont les traits de caractères problématiques se voient quelque peu adoucis) ont en commun d’afficher vraie identité, petite patine d’auteur, réelle humanité et surtout un ton qui manque généralement à ce genre de produit. Des films qui parlent d’abord de (et à ) l’humain, de la famille, des rapports aux autres et au monde, avec modestie et simplicité. Au point de presque pouvoir être appréciés par les gens qui n’aiment pas la boxe – mais cette fois-ci dit sans condescendance aucune. Puisque la discipline s’est toujours montrée parfait révélateur de caractères – et ce n’est pas la moindre qualité de ces deux œuvres que parvenir à le montrer.

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Sparring (Samuel Jouy, 2017)

On termine par Sparring, film dont la simplicité le dispute à l’authenticité. Point de grandeur mégalo ni de course à la ceinture, juste le quotidien de ceux qu’on nomme les journeymen. ces artisans du ring qui affichent plus de défaites que de victoires, ont du mal à boucler leur fin du mois et combattent par pure passion, en dépit d’un niveau aléatoire. C’est ça et c’est tout : montrer le prix à payer pour vivre sa passion, le tout entrecoupé des petits riens qui font l’essence d’une existence.

Kassovitz, jamais aussi juste que dans un registre effacé, s’y montre bouleversant de justesse et d’humanité continue. Parvenant à faire passer la dignité de celui qui tient juste à aller au bout, quitte à être payé pour prendre des coups sans forcément avoir l’occasion de pouvoir les rendre. Une œuvre d’autant plus touchante et discrètement mélancolique qu’on y pressent que s(y trouve, au moins en partie, l’essence de la boxe. Pas étonnant que Kasso, piqué par le virus durant le tournage, ait été jusqu’à ensuite lui-même monter sur un ring pour y livrer un combat de vétérans. Rien ne ressemble à telle passion et une fois qu’on est mordu, c’est pour toujours.

(1 commentaire)

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