D’après un célèbre adage, la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit. Permettez-nous d’en douter. Dans la famille Abe, il y a de l’électricité dans l’air depuis toujours. Un don qui a touché les deux judokas japonais dès leur plus jeune âge et qui s’exprime tout autour du globe depuis. À Doha, lors des championnats du monde, la reine des -52 kg et le golden boy des -66 kg auront à cœur d’asseoir leur statut de légendes. Si la concurrence promet d’être au rendez-vous, seul un court-circuit pourrait les empêcher d’être une nouvelle fois sur le toit du monde.
De l’or tout autour du cou…
Chez les Ube, parler d’une médaille faite d’un tout autre métal que l’or serait indécent. Une deuxième ou une troisième place, c’est le rêve de nombre d’athlètes de par le monde. Pour ces phénomènes en revanche, seule la plus éclatante des orfèvreries n’a de valeur. Uta et Hifumi Abe n’ont respectivement que 22 et 25 ans mais leur palmarès est déjà long comme le bras.
Lors des derniers Jeux olympiques de Tokyo, leur suprématie s’est encore affirmée. Aucun de ces deux athlètes n’a concédé la moindre marque et lors de chacun de leurs combats, ils ont semblé intouchables. Seul le titre par équipe mixte leur a échappé pour filer dans l’escarcelle française. C’est d’ailleurs à l’occasion de ce tournoi qu’Uta Abe a essuyé son dernier revers. En effet, une défaite face à l’Allemande Stoll sur pénalité est venu « entacher » un bilan jusqu’à lors parfait. Du côté d’Hifumi, la défaite ne s’est plus présentée depuis les championnats du monde 2019 et un revers face à son compatriote Joshiro Mayurama. Ce dernier est considéré comme l’un des tous meilleurs judokas de la catégorie et possède deux titres de champion du monde à son actif. Rien que ça…
À ces titres olympiques viennent s’ajouter quatre titres mondiaux pour Uta et trois pour Hifumi. Lors de l’édition 2022 ayant eu lieu à Tashkent, Uta Abe a du faire face à une opposition coriace. L’Israélienne Gefren Primo, la Française Amandine Buchard ou la Britannique Chelsie Giles se sont présentées sur sa route… En vain ! Lors de ces combats, c’est la Tricolore qui est passée le plus près de l’emporter lors du golden score, sans succès cependant. Pour Hifumi, le Moldave Denis Vieru, numéro un de la catégorie, s’est mis en travers de son chemin mais malgré une prestation de fort belle facture, il a du céder, perdant le combat d’un waza-ari. En finale, Abe a retrouvé son meilleur ennemi, Joshiro Mayurama. Une opposition de style et un engagement de tous les instants. Malheureusement pour le dernier, Hifumi a fait la différence au moment opportun pour régner un peu plus sur le monde.
… Et plein les mains
Gagner des combats est une chose, l’emporter avec la manière en est une autre. Dans la famille Abe, le judo est un art à part entière et chaque mouvement est une prouesse artistique. Pour tous deux, la variété de techniques et la diversité des attaques est remarquable. Si Uta est spécialiste de l’Uchi-Mata (fauchage par l’intérieur de la cuisse), Hifumi s’est davantage tourné vers les mouvements d’épaules (Seoi-Nage). Réalisés dans un timing souvent parfait, ils ont vocation à être destructeurs pour leurs adversaires. Néanmoins, cantonner ces artistes à leur Tokui-Waza (technique spéciale) serait réducteur.
En effet, leur connaissance du judo leur permet d’avoir un bagage solide répondant à chaque situation de combat. Anticipation et décryptage de l’adversaire sont autant d’exemples de leur QI judo. Bien malin serait celui ou celle capable de prédire l’attaque du frère et de la sœur. Etre opposé à ces deux monstres, c’est se faire des nœuds au cerveau. Il faut être capable de résister aux offensives adverses tout en parvenant à être chirurgical dans ses mouvements d’attaque.
Au niveau du Kumi-Kata (prise de garde), Hifumi est très précis. S’il ne cherche pas la confrontation, il parvient très souvent à prendre l’avantage sur ses adversaires. Très puissant du haut du corps, il a une facilité déconcertante à faire relâcher l’emprise adverse (si tant est qu’elle ait pu s’installer). De fait, la puissance qui se dégage du Japonais est impressionnante. C’est d’ailleurs ce combo puissance/technique qui en fait un cador du judo mondial.
Du côté d’Uta, des combats plus accrochés ont permis de donner confiance aux adversaires. Même si les résultats parlent pour la benjamine de la fratrie, elle a du traverser des moments d’adversité. Parvenant à se sortir de chaque piège tendu par ses adversaires pour le moment, elle a tout-de-même, par séquences, été mise en difficulté sur la pose des mains.
Lors de ces championnats du monde, les cartes seront redistribuées et chaque combattant aura à cœur d’être celui qui prend le dessus sur la famille Abe. Si le chemin est encore long pour y parvenir, nul doute que la motivation et l’envie seront à la hauteur de l’évènement. Dans le clan japonais en revanche, céder la couronne n’est pas une option envisageable et on compte bien surfer sur cette vague de domination pour inscrire encore un peu plus son nom à la légende du judo.