Avec le 8ème choix de la draft 2023, les Falcons d’Atlanta ont jeté leur dévolu sur une nouvelle arme offensive. En Bijan Robinson, le front office de Géorgie a encore privilégié un talent pur et continue de se former sa propre identité. Loin des conventions et avec une authenticité les rendant presque prévisibles, voilà que la bande à Arthur Smith avance sans bruit avec une vision du futur très claire.
C’en était presque évident. Si le suspense est resté entier jusqu’au bout, Atlanta a encore sélectionné le meilleur skill player de la draft. Souvenez vous en 2021 : après avoir refusé des potentiels échanges ou un successeur à Matt Ryan, Terry Fontenot appelait Kyle Pitts, TE, avec le 4ème choix de la draft. Un refus de maximiser ses atouts pour s’assurer un talent générationnel. En 2022, rebelotte : aucun mouvement le soir du repêchage, les Falcons restent en 8ème position pour récupérer le meilleur joueur offensif sur leur board : Drake London, WR. Et stupeur en 2023, pendant que les trades volaient à travers la salle comme à la bourse new-yorkaise, Fontenot ne bougeait pas. Puis, le moment venu, inscrivait tranquillement le nom de Bijan Robinson comme 8ème choix. Encore un joueur offensif, toujours sans monter ou descendre.
A chaque fois donc, cette sensation que le choix s’est imposé au front office d’Atlanta comme une évidence. Comme si on n’avait pas forcé pour avoir notre joueur, mais qu’au moment du pick, il y a un talent qui ne se refuse pas. Oui mais là, ça commence à se voir… Mais après tout, ça n’a plus trop d’importance : la reconstruction offensive semble arriver à son terme. Bien entendu, beaucoup repose sur les épaules de Desmond Ridder au poste le plus important. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que l’unité offensive d’Atlanta a un potentiel dangereux.
Mais pourquoi Bijan ?
En effet, Bijan Robinson est le meilleur joueur de cette cuvée 2023. Mais quand bien même, que va apporter un Runningback à une franchise en cours de refonte ? Surtout qu’on parle des Falcons, dont l’une des rares qualités en 2022 fut leur jeu de course, déjà très bien ficelé… Que va changer Bijan dans l’équation ?
La première réponse viendrait en retournant la question : si on peut obtenir ces résultats avec Tyler Allgeier (bon petit RB au demeurant), jusqu’où peut-on aller avec un talent générationnel comme Bijan ? Si Allgeier s’est démarqué par sa résistance au plaquage, il est difficile de minimiser l’amélioration en terme de vision, d’explosivité et de vitesse pure. On parle ici de deux athlètes qui ne boxent pas dans la même catégorie. C’est un point clé pour Arthur Smith, qui souhaite un jeu de course extrêmement horizontal. Les Falcons privilégient tous types d’outside zone, de stretch ou sweep et cela se reflète dans leur ligne offensive. Les investissements énormes concédés sur Chris Lindstrom, Kaleb McGary et Matthew Bergeron le confirment. Atlanta fait le choix de la mobilité dans les tranchées, et en avoir pour le porteur de balle ne fait pas de mal. De même que Smith avait pu faire exploser Cordarelle Patterson, il pourra propulser Bijan.
La deuxième réponse, et il s’agit ici plus d’une intuition que d’un fait avéré, c’est la polyvalence. Si Allgeier a donné satisfaction dans le jeu de course, il a aussi montré ses limites en tant que receveur. Son maigre total de 16 réceptions sur la saison montre que son profil n’est pas fait pour ce genre de situation. Sa présence sur le terrain limite donc les potentiels playcalls pour Smith. L’ajout de Bijan Robinson change l’équation.
Le jeu offensif selon Arthur Smith commence et découle d’un jeu de course dominant. Avec Bijan, les Falcons trouve une perle rare qui leur permet de courir ou passer sans pour autant devoir adapter leur personnel. Avec un play designer du calibre de Smith, on imagine le champs des possibles grandir à vue d’œil.
Et maintenant ?
A la seule condition que Desmond Ridder soit un exécutant capable dans cette attaque, la refonte offensive d’Atlanta semble terminée. On a évoqué l’addition de Robinson, mais Terry Fontenot ne s’est pas contenté de la seule addition d’un rookie RB. À noter également : le trade pour acquérir Jonnu Smith, qui a bien connu Arthur Smith à Tennessee, ainsi que l’acquisition de Mack Hollins, très intéressant dans un rôle de WR3 à Las Vegas.
Imaginez donc : les Falcons se présentent avec Bijan Robinson, Jonnu Smith et Kyle Pitts sur le terrain. La défense ferait donc face à un “12” personnel (1 RB, 2 TE) favorable à la course sur le papier. En réaction, la défense devrait donc privilégier la présence de Linebackers pour contenir l’attaque au sol. Mais si, finalement, l’attaque appelle une passe, ces Linebackers seront en désavantage naturel pour couvrir ces 3 joueurs. Les nombreuses play-actions sur lesquelles le schéma d’Arthur Smith s’appuie risquent donc d’être extrêmement difficile à défendre. En 2022, la ligue a appris à respecter le jeu au sol d’Atlanta. En 2023, elle devra trouver un moyen de le ralentir sans s’exposer dans les airs.
(Pour approfondir un peu la théorie, on vous recommande chaudement cet article récent sur l’émergence des formations à 2 TE dans le jeu actuel)
Une tâche qui semble extrêmement difficile tant le groupe de playmakers d’Atlanta est cohérent. Si les défense trouvent une réponse aux schémas de Smith (peu probable tant ils sont multiples), le coach pourra pour la première fois compter sur ses joueurs pour dominer leur adversaire direct. Le facteur X de ce groupe sera donc son membre le plus important : son Quarterback. On n’a tout simplement pas assez vu Desmond Ridder pour avoir un avis sur son niveau, surtout en année 2. Les indicateurs pointent cependant vers un QB apte à exécuter les actions appelées, progresser dans ses lectures et distribuer la gonfle sereinement.
Il y a encore beaucoup de loupés évitables dans le jeu de Ridder, mais le plancher reste suffisamment haut pour ne pas brider le reste de l’attaque. La différence s’est d’ailleurs faite ressentir lorsqu’il a remplacé Marcus Mariota en fin de saison. Le playcall d’Atlanta l’a d’ailleurs soutenu, puisque Ridder a tenté en moyenne 4 passes par match de plus que Mariota. Entouré d’une ligne 5 étoiles et d’un bon casting de playmakers, personne ne demandera la lune au jeune meneur de jeu. Juste d’être un distributeur efficace, consistent, et d’éviter les turnovers.
Et si la méthode des Falcons peut paraître peu orthodoxe, sa formule est éprouvée. Récapitulons :
- Une attaque basée sur un jeu de course dominant.
- Un jeu de passe laissant un jeune QB profiter de matchups avantageux.
- Des concepts faisant la part belle aux Yards Après Réception.
Ca ne vous rappelle rien ? Ce sont pourtant les mêmes ingrédients qui ont permis à San Francisco d’atteindre les finales de conférence. On n’ira pas jusqu’à prédire cela pour les Falcons (il faudrait déjà une défense). La méthode offensive, cependant, est alléchante pour Atlanta, notamment parce qu’elle se base sur des critères qui ont fait leurs preuves chez les Niners. Tout n’est pas similaire, bien entendu, et n’est pas Kyle Shanahan qui veut. Mais me concernant, je dois admettre avoir été conquis par l’esprit créatif d’Arthur Smith. Au point de ne pas douter du succès de sa nouvelle attaque.
La méthode de reconstruction de l’effectif à Atlanta n’est pas exempte d’interrogations. Des doutes subsistent sur certains choix, et la gestion du capital à disposition n’est pas toujours optimale. Ce qu’on ne peut pas reprocher aux Falcons, cependant, c’est d’avoir une vision. Les mouvements effectués été après été sont limpides et montrent une volonté très lisible. Après 2 saisons à faire surperformer un effectif famélique, Arthur Smith a enfin de quoi faire décoller ses oiseaux. Avec des moyens plus grands, viennent cependant des attentes plus grandes, et la pression du résultat se fait ressentir pour ce Front Office. La réussite des opérations dépendra surtout du génie offensif d’Arthur Smith. Mais sur ce point, on part optimiste.