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Conseil lecture #8 : “19 secondes 83 centièmes” de Pierre-Louis Basse (2007)

À la manière d’un Proust trempant sa madeleine dans un thé, Pierre-Louis Basse part à la rencontre de ses souvenirs d’enfant et de cette nuit d’octobre 1968 qui bouleversa la suite de son existence.

C’est l’histoire d’une poignée de secondes, qui va durer toute une vie. Exactement dix-neuf secondes et quatre-vingt-trois centièmes. C’est le mercredi 16 octobre 1968, à Mexico. Tommie Smith est champion olympique du 200 mètres. Tom y pense depuis l’enfance : quand il monte sur la plus haute marche du podium, il lève son poing droit ganté de cuir noir. Il le fera avec son compagnon de l’équipe américaine, John Carlos. Là, dans cette nuit un peu moite du 16 octobre 1968, ce geste va fracasser le monde. (résumé éditeur)

On imagine volontiers Pierre-Louis Basse (ancien journaliste notamment passé par Europe 1 et Canal+) à l’image de ses livres : charriant un savoir encyclopédique, mû par une insatiable soif de justice – lui qui a souvent évoqué les disparités sociales de son époque -, l’œil qui brille de celui qui ne se prend jamais trop au sérieux et l’âme inlassablement voilée, ballotée qu’elle se voit par l’insondable mélancolie des plus lucides en ce monde.

Ce 19 secondes 83 centièmes (qui revient sur l’un des plus fameux faits de l’histoire des JO) coche ainsi toutes les cases des gimmicks de l’auteur – presque comme un best-of de ses obsessions.

Soit un événement doublement rentré dans la légende en raison de son côté sportif (cette médaille d’or acquise à l’issue d’une course alors jugée parfaite) ET politique – ces poings tendus gantés de noir sur le podium, symboles incroyablement puissants d’une protestation qui menaçait d’embraser les États-Unis et le monde en un même élan (nous étions en 1968 : année révolutionnaire s’il en fut).

Basse, comme à son habitude, revisite le tout à l’aune de sa propre nostalgie. Entremêlant, par légères touches impressionnistes, petites et grandes histoires – à commencer par la sienne. Puisque la nuit (décalage horaire avec le Mexique oblige) qui le vit visionner la course reste à jamais pour lui celle d’un moment partagé avec son père : inamovible figure tutélaire que l’auteur fait revivre à travers celle du sprinteur américain.

En résulte un ouvrage d’autant plus poignant qu’il distille son émotion par la bande, presque de manière détournée. L’auteur parvenant à, ni plus ni moins, l’essence même de ce que peut, au-delà du résultat brut, représenter une compétition sportive.

Une date ancrée dans son inconscient, un instant charnière dont on se souviendra toute notre existence, un de ces “moments dorés” (pour reprendre l’expression du fameux producteur de rap, feu Jerry Heller) dont on s’aperçoit avec le recul qu’ils ont contribué à  notre construction en tant qu’être. Pas si mal, pour un “simple” sprint de moins de vingt secondes…

(Éditions Stock)

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