Ce sont trois sportifs français, parmi les plus talentueux et les plus populaires dans leur discipline respective. Chacun d’eux aspire à disputer les Jeux olympiques sous la bannière tricolore, et nul doute que leur présence accroîtrait les chances de médaille de nos sélections. Kylian Mbappé, Victor Wembanyama et Antoine Dupont vont pourtant devoir jongler avec leurs différentes obligations pour faire partie de l’aventure des Jeux de Paris.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, les JO 2024 ne sont peut-être pas dans leur tête. Mbappé et Dupont sont concentrés sur d’autres quêtes, à savoir la Ligue des champions et la Coupe du monde de rugby. Wembanyama, lui, se prépare avant sa saison rookie en NBA, dont le coup d’envoi sera donné le mois prochain. Et pourtant, la question olympique reviendra bientôt à leurs oreilles. Parce qu’ils ont chacun déclaré leur volonté d’être aux JO, et parce que la France compte sur eux.



« Participer aux Jeux olympiques est un rêve pour moi, et encore plus ici à Paris », clamait l’attaquant parisien sur le plateau de Tout le sport, au mois d’avril. En 2021, il confiait déjà à L’Équipe : « C’est en regardant les JO de Londres en 2012 que j’ai pris conscience de l’importance de cette compétition planétaire. Les Jeux, c’est la référence du sport ». Dans le monde du football, une médaille olympique n’a pas le prestige d’une Coupe du monde, d’un Euro ou d’une Ligue des champions. Mais pour Kylian Mbappé, l’occasion ne se présentera peut-être qu’une fois, à domicile de surcroît. Et il ne compte pas la laisser passer. D’où ces appels du pied répétés.
S’ils sont nécessaires, c’est parce que la participation du joueur à l’épreuve olympique n’a rien de naturel. Même si elle ferait beaucoup d’heureux, elle est tout sauf une évidence règlementaire et contractuelle. La particularité du tournoi olympique de football réside dans le fait qu’il concerne les joueurs de moins de 23 ans. Mbappé étant né avant le 1er janvier 2001, il peut faire partie des trois joueurs plus âgés autorisés par sélection. Le capitaine des Bleus pourrait alors faire équipe avec son vice-capitaine, Antoine Griezmann, et un jeune retraité comme Hugo Lloris ou Raphaël Varane. Si son âge n’est alors qu’un frein mineur, il existe un frein majeur.
Un nouveau contrat, l’Euro puis les JO ?
Les JO ne figurent pas au calendrier de la FIFA. Autrement dit, rien n’oblige les clubs à libérer leurs joueurs pour cette échéance. Or, Kylian Mbappé devrait jouer, a minima, une quarantaine de matchs avec le Paris Saint-Germain cette saison, et disputer l’Euro 2024 (du 14 juin au 14 juillet) à l’issue de celle-ci. Le tournoi olympique débute le 26 juillet et se termine le 11 août, soit très peu de temps après l’Euro et avant le début de l’exercice 2024-2025. Le Bondynois a beau être dans la force de l’âge, on parle là d’une cadence infernale.
En fin de contrat au 30 juin 2024, Mbappé pourrait négocier sa participation à l’épreuve olympique auprès de son futur employeur, qu’il s’agisse du PSG ou d’un club étranger. Une chose est sûre : sa participation est vivement souhaitée en haut lieu. Après le fiasco des JO de Tokyo, où l’on a vu les Bleus éliminés au premier tour, « l’intérêt supérieur du pays doit prédominer ; le monde entier aura le regard sur nous, nous devons aligner notre meilleure équipe », exigeait Philippe Diallo, président de la FFF, dans Le Monde.
Même son de cloche du côté de la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra : « Kylian Mbappé est une telle source d’inspiration, de fraîcheur. L’avoir, ainsi qu’Antoine Griezmann, serait extraordinaire […] Nous avons besoin d’avoir de tels champions aux JO, comme Antoine Dupont au rugby à 7. Il faut que la jeunesse puisse les admirer, comme beaucoup d’autres dont Victor Wembanyama en basket », déclara-t-elle dans un entretien à Ouest-France.

40 ans après la médaille d’or des Bleus aux JO de Los Angeles, verra-t-on Kylian Mbappé faire équipe avec les Cherki et Zaïre-Emery ? Après avoir nommé Thierry Henry à la tête de l’équipe de France Espoirs et de la sélection olympique, s’assurer les services d’un joueur aussi populaire serait – au moins – un très beau coup médiatique.
Et quand on parle de coup médiatique, la NBA n’est jamais très loin. Originaire d’Île-de-France et phénomène de précocité comme Mbappé, Victor Wembanyama est amené à être le visage du basket français des 15 prochaines années. Premier Frenchy sélectionné en première position de la draft en juin dernier, la hype le concernant est quasi inédite outre-Atlantique. Du même niveau que LeBron James 20 ans plus tôt. En accord avec sa franchise des Spurs, “Wemby” a fait l’impasse sur le Mondial 2023 pour se concentrer sur son adaptation à San Antonio et se préparer aux exigences de la NBA.
Un choix raisonnable pour le joueur de 19 ans, dont le corps est encore en construction. « Tout le monde comprend, que ce soit dans le staff ou parmi les joueurs avec lesquels j’ai discuté, a assuré Boris Diaw, manager général de l’équipe de France, en conférence de presse. Égoïstement, on aimerait l’avoir avec nous, mais on peut comprendre que l’enchaînement des compétitions soit difficile ». Si, dans le football ou le rugby, sécher une Coupe du monde, un Euro ou un Tournoi des Six Nations serait impardonnable, le basket échappe à cette logique. Le noyau dur des sélections nationales est souvent composé de joueurs NBA, lesquels sont astreints à un rythme de 82 matchs de saison régulière avant les éventuels playoffs.

Traverser l’Atlantique pour disputer une compétition internationale au mois d’août n’est pas toujours leur priorité, et les fédérations l’entendent. « Bien sûr, je le regrette, mais ce n’est pas du tout une trahison, affirmait le sélectionneur Vincent Collet en juin dernier. Victor est jeune, frais, enthousiaste et il aime l’équipe de France. Son absence n’a pour moi pas du tout d’incidence pour 2024. Pour Paris, on compte sur lui. Il aura une année de NBA derrière lui, une année de travail avec Popovich. Il sera certainement encore plus fort qu’il ne l’est aujourd’hui. »
Très en vue lors de ses quatre premières sélections, le jeune intérieur est attendu de pied ferme aux JO. Médaillés d’argent à Tokyo, les Bleus auront l’ambition de remonter sur le podium, après le fiasco retentissant du Mondial 2023. Nicolas Batum, interrogé par Eurosport, partage cette excitation : « Même s’il est très jeune, il a pu montrer des qualités et un talent hors norme. Ça ne peut être que bénéfique pour nous d’ajouter un mec qui fait 2m25 et qui a toutes les qualités rêvées pour un basketteur. On est vraiment impatient de l’avoir dans le groupe. »

Au sortir du Mondial, alors que de nombreuses questions se posent sur l’équipe de France et son staff, l’intégration prochaine de Victor Wembanyama est une éclaircie bienvenue. Il faudra voir si cet échec a laissé des traces dans le groupe et comment Wemby est intégré – quid de sa complémentarité avec Rudy Gobert ? – mais nous sommes impatients. À Paris, Victor pourrait croiser sa sœur Eve, en lice pour participer à l’épreuve féminine de basket 3×3.
Si le basketball à trois ne vous est pas familier, c’est normal. C’est une jeune discipline, devenue sport olympique en 2020. Quatre ans plus tôt, c’était le rugby à sept qui intégrait le programme olympique. Dans le tournoi masculin, à Rio de Janeiro puis à Tokyo, rien n’avait résisté à la domination des Fidji. Pour espérer leur enlever le titre en 2024, il va falloir se lever de bonne heure. Pour certains, la solution tient en deux mots : Antoine Dupont. Ce n’est peut-être pas aussi simple, mais voir le capitaine du XV de France aux Jeux olympiques n’a rien d’utopique.
« Antoine Dupont a un appétit gigantesque. Ça fait des mois qu’il a évoqué l’envie de jouer les JO. On a défini de façon très claire les contours de ce que pourrait être sa présence, témoignait le président du Stade toulousain, Didier Lacroix, le 23 août dernier. L’acteur principal, c’est Antoine Dupont. Le déclencheur, c’est Antoine Dupont. Et il n’a pas envie de se dévoiler avant la Coupe du monde. On a tout préparé, à tous les niveaux. Mais la décision lui appartient. » Vous l’aurez compris, la porte est ouverte. Mais le choix du Toulousain ne sera pas sans conséquence sur la saison actuelle et la suivante.
Sacrifier Toulouse et le XV de France pour les JO ?
S’il vient à participer aux Jeux, du 24 au 30 juillet prochains, il aura un temps de récupération à respecter et pourrait donc manquer le début de saison avec son club. Et si Dupont est de l’aventure, il ne montera pas dans le train la veille de la compétition. Il participera à la préparation avec le reste de la sélection française, ce qui menace son avenir immédiat avec le Stade toulousain et le XV de France, dont il pourrait manquer les futures échéances, par exemple des phases finales de Top 14, Champions Cup ou le Tournoi des Six Nations 2024.
Les écueils ne manquent pas mais si la présence d’Antoine Dupont – tant pour mettre en lumière le rugby en tant que discipline olympique que pour élever le niveau de l’équipe de France – est souhaitée à tous les étages, c’est tout l’écosystème du rugby français qui va se mettre en ordre de marche pour concrétiser cette possibilité. Cependant, il ne vous aura pas échappé que le rugby à sept n’est pas le rugby à quinze. Le demi de mêlée a beau être le meilleur joueur du monde, passer d’un code à l’autre n’a rien d’automatique.

On a vu d’excellents septistes être moins à l’aise à quinze, où les espaces sont réduits. On a vu Sonny Bill Williams, treiziste et quinziste de renom, s’essayer au 7 sans grand succès. Mais on a aussi vu Leone Nakarawa être élu meilleur joueur d’Europe à XV, en 2018, deux ans après avoir été champion olympique à VII avec les Fidji. Dupont, qui a reçu le même trophée en 2021, sera-t-il le deuxième à y ajouter une médaille d’or olympique ? Rien n’est moins certain, mais si on cite le Français comme un possible facteur X dans cette discipline, c’est parce qu’il en a toutes les aptitudes. On parle d’un joueur qui gagne beaucoup de duels, offensifs comme défensifs, qui interprète les espaces comme personne et sait les exploiter grâce à ses qualités athlétiques.
Pilier de France sept, Jonathan Laugel citait comme apport concret la vision du jeu d’Antoine Dupont : « Je suis persuadé que sa vitesse d’exécution est due à son aptitude à identifier les détails sur le terrain. En rugby à 7, avec la vitesse de jeu, cette capacité à avoir un temps d’avance sur l’adversaire est très importante ». Dans le même entretien, Benjamin Prier, joueur de Massy et ancien septiste, imaginait : « Il y aura un temps d’adaptation mais étant donné ses qualités à quinze, je pense qu’il peut être très intéressant à sept, en termes de vitesse, d’explosivité et au niveau défensif. »
Jérémy Aicardi, qui a disputé les JO 2016, ajoutait : « Antoine Dupont sera compétent, j’en suis sûr et certain. L’équipe de France va travailler de manière correcte, anticipée. S’il est pris, il va débloquer des situations, comme Stephen Parez en débloque déjà. […] Mais il lui faudra encaisser des charges de travail suffisamment en amont de la compétition. J’espère qu’il va faire au moins trois tournois de rugby à sept avec l’équipe de France avant les Jeux. » Une pensée partagée par le sélectionneur de cette équipe, Jérôme Daret : « Il lui faudra entre trois et cinq tournois minimum, c’est un sport qui demande un peu de maturité et d’expérience », a-t-il déclaré sur RMC.
Cette expérience collective sera nécessaire, tant pour intégrer Antoine Dupont au projet de jeu que pour construire sa légitimité. Car si Dupont est aux JO, ce sera forcément aux dépens d’un joueur au vécu plus important. De quoi rendre caduque la participation d’autres membres du XV de France ? Damian Penaud et Gabin Villière, les ailiers titulaires des Bleus, avaient eux aussi émis leur souhait d’être de la partie, mais pour eux, l’optimisme ne règne pas.
Laurent Marti, le président de l’Union Bordeaux-Bègles, a d’ores et déjà fermé la porte à cette idée : « C’est totalement exclu. Damian veut gagner des titres et l’UBB aussi et je ne crois pas que l’UBB soit inscrite aux Jeux olympiques, donc Damian se consacrera à l’UBB et à l’équipe de France. Pour Antoine Dupont, c’est différent dans la mesure où il a déjà gagné avec le Stade toulousain et j’ai cru comprendre que c’était un élément de son contrat quand il a prolongé », a clarifié le dirigeant sur RMC. Les velléités de Villière, qui est un septiste chevronné, ne devraient pas recevoir beaucoup plus d’enthousiasme de la part du RC Toulon, déjà habitué à ce que le XV de France lui rende son joueur blessé.
Kylian Mbappé | Victor Wembanyama | Antoine Dupont | |
Discipline | Football | Basketball | Rugby à sept |
Meilleur résultat FRA | 1er (1984) | 2e (1948, 2000, 2020) | 7e (2016) |
Âge en 2024 | 25 ans | 20 ans | 27 ans |
Nb de sélections | 71 | 4 | 0 (50 à XV) |
Club | Paris-SG | SA Spurs | Stade toulousain |
Libération par son club | Incertaine | Probable | Probable |
Statut en sélection | Important | Important | Incertain |
Frein(s) majeur(s) | Repos insuffisant | / | Repos insuffisant Adaptation nécessaire |
Probabilité de présence | 65 % | 80 % | 60 % |