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2023 : l’année du Nickel back

Alontae Taylor, Devon Witherspoon, Kyle Hamilton… Longtemps délaissée, la position de Nickelback se retrouve soudainement propulsée sur le devant de la scène avec l’apparition de plusieurs superstars. En ce début de saison, les coordinateurs défensifs s’en donnent à cœur joie, et font briller un nouveau type de joueur. Un hasard ? Point du tout. Décryptage made in CCS.

Un peu d’histoire

Jusqu’au début des années 2000, la majorité des formations défensives ne contenait que 4 joueurs dans la secondary : 2 CB sur les extérieurs et 2 Safety dans la profondeur. Le jeu était alors résolument axé autour de la course et la créativité des entraîneurs se retrouvaient surtout dans l’organisation du front seven. Les choses étaient plutôt simples.

Puis, suivant la mode qui déferlait en College Football, les attaques NFL se retrouvaient avec de plus en plus de receveurs talentueux. Wes Welker et les Patriots furent les précurseurs d’une nouvelle mode qui allait faire des ravages : le troisième receveur, le slot receiver. Aligné à l’intérieur, avec plus d’espace pour ses tracés, ce receveur plus petit et vif devint vite un casse-tête à couvrir. Julian Edelman et Victor Cruz, par exemple, reprirent ensuite le flambeau.

Kenny Moore, digne représentant d’une espèce en voie de disparition.

En réponse, les défenses NFL adoptèrent leur propre cornerback de poche. Suffisamment vivace pour suivre les meilleurs coureurs de tracés, mais aussi capable de plaquer pour participer au jeu de course, le slot cornerback était devenu un titulaire à part entière en défense. On entendait ainsi partout dire que “Nickel is the new base” (Nickel désignant une formation défensive à 5 joueurs dans la secondary).

Ces slots corners, cependant, se retrouvaient en difficulté lorsqu’on leur opposait des receveurs plus grands, voire des Tight Ends, qui devenaient de vraies options à la réception. En 2018, Sean McVay installe notamment le grand et puissant Cooper Kupp à l’intérieur. Volontaire au bloc, celui-ci devient un quasi Tight End pour les Rams, et fait des ravages à la réception. Dans le même temps, un certain Travis Kelce, qui n’a plus de Tight End que le nom, prend de l’ampleur à Kansas City.

En bref, le petit slot corner tel qu’on l’a connu atteint sa date de péremption. Les attaques NFL ne se cantonnent d’ailleurs plus à seulement 3 receveurs. La bulle défensive éclate, et forcent les coordinateurs à trouver de nouvelles façons de couvrir le milieu du terrain. En 2023, on commence à voir différentes réponses émerger, que l’on regroupe autour d’un nom : le Nickelback.

Sous toutes les formes, et de toutes les couleurs

A l’heure actuelle, le nickel est une position polymorphe et parfois difficile à définir. Et c’est ce qui fait son charme. Aux nouveaux problèmes imposés, chaque défense a trouvé sa réponse. Le Nickelback se caractérise par sa capacité à couvrir le slot, mais aussi défendre les courses extérieurs, blitzer ou même remplacer un safety en couverture profonde.

L’objectif numéro 1 des défenses NFL actuelles est de créer de la confusion. Hors les défenseurs polyvalents, qui sont susceptibles de remplir plusieurs rôles, rendent par définition les formations plus difficiles à lire. Cet avantage fait du nickelback la nouvelle pierre angulaire de nombreuses défenses en NFL. Ce qu’on observe de plus en plus, cependant, c’est qu’il n’existe pas un archétype du nickelback, juste des prérequis.

Il y a bien entendu le moule du “Safety hybride”, capable à la fois de jouer Strong ou Free Safety, sans pour autant exceller dans un domaine. Brian Branch en est un parfait exemple. Avec un gabarit et des capacités athlétiques juste correctes, Branch brille à Detroit par sa qualité de “connecteur”. Il peut être déployer partout sur le terrain, rendre la formation des Lions plus difficile à déchiffrer tout en étant très assuré au plaquage.

Branch était d’ailleurs l’un des leaders à la course au DROY, jusqu’à ce qu’un autre nouveau venu lui vole la vedette. Avec 2 sacks, 2 interceptions (dont un pick-six) et 3 plaquages pour pertes, Devon Witherspoon a crevé l’écran en prime time face aux malheureux Giants. Alors les interceptions, ça va, ça vient… Mais on peut assez vite voir ceux qui ont une appétence pour être autour du ballon. Au delà des highlights, c’est ce genre d’action qui fait plaisir à voir :

Et oui, Witherspoon a beau être un gabarit plutôt léger, il a la mentalité adéquate pour vivre dans les tranchées. On ne lui demandera jamais de tenir tête à des bloqueurs de 140 kg, mais s’il peut apporter le surnombre et aller au mastic sur le porteur de balle, les Seahawks seront comblés. Parce que oui, au risque de tomber dans le cliché, le nickel back est la version 2.0 du football player, vous savez ce joueur qui est partout, tout le temps autour du ballon. Qui apporte à la fois de la vitesse, de l’instinct et de l’énergie.

C’est aussi et surtout une manière pour les DC de mettre sur le terrain des joueurs qu’on arrivait pas à caser auparavant. Allons à Dallas, par exemple. Jayron Kearse était à la base un Safety venu de Clemson et drafté tardivement par les Vikings. Mesuré à 6’4, une taille gigantesque pour la position, il manquait de vitesse de pointe et n’a jamais réussi à s’imposer à ce poste. Récupéré des années plus tard par les Cowboys, il a trouvé sous la houlette de Dan Quinn un rôle qui lui permet de mettre en avant ses qualités athlétiques. Et d’être une arme de choix pour son nouveau coach :

Si la position est parfois difficile à définir, c’est justement parce que le Nickel Defender remplit plusieurs rôles. La demande peut d’ailleurs être différente selon la défense autour, et comme on a pu le voir, cela peut donner lieu à des profils extrêmement variés de Nickelback.

Plus qu’une mode, une petite révolution

La NFL n’accueille plus les LB à l’ancienne. Les baraques à frites faites pour encaisser les blocs et aller à a bagarre dans les tranchées, c’est démodé. Depuis 10 ans, ce sont les LB légers, rapides et capables en couverture qui ont pris le relai. Pensez à Deion Jones avec les Falcons, Devin White avec les Bucs ou encore Jeremiah Owusu-Koramoah chez les Browns. La contrepartie de cette rapidité, c’est une perte notable en puissance, et ainsi à la résistance face aux blocs.

Alontae Taylor, star inattendue à New Orleans.

Les défenses NFL comprennent bien ce défaut, et forment leurs DT à prendre le plus d’attention possible afin de débarrasser leur LB de cette charge. Dans la théorie en tout cas. En pratique, un DT ne peut pas réussir à chaque fois à retenir tous les bloqueurs adverses. Et lorsque ce n’est pas le cas, le LB 2.0 est en souffrance. Et bien, soit. Perdu pour perdu, pourquoi ne pas complètement abandonner la puissance au profit de la vitesse ? On n’imagine pas supprimer entièrement le poste de LB, qui reste un général sur le terrain. Mais le fait est que le jeu demande énormément à ces joueurs, et il est quasi impossible de remplir tous les critères. La ligue se retrouve donc face à une pénurie de bons joueurs à ce poste (sérieusement, essayez de nommer 32 bons LB…).

Le Nickel defender apparaît comme la meilleure solution à ce problème. Capable de répondre aux challenges en couvertures mais également d’apporter un soutien non négligeable sur les courses horizontales, il donne en plus ce gros plus en polyvalence. Et ce n’est pas un hasard si la saison 2023 est témoin de grosses performances de la part de ceux-ci : à l’instar du LB des années 2000, le NB est partout, tout le temps.

L’existence du nickelback ne date pas d’hier. Les packages défensifs en incluent depuis plus d’une décennie. Mais avec l’évolution du jeu, le poste est devenu plus flou. Ce qui n’était avant qu’un troisième CB peut désormais être un troisième Safety ou, et c’est souvent le cas, un mélange des deux. En résulte un nouveau type de joueur, brillant par son intelligence de jeu et sa flexibilité. Ce qui semble évoluer en cette saison, c’est l’impact direct du Nickelback, jusque sur la fiche de stat. Fini le travailleur de l’ombre, les nickels sont partout. Ainsi, certaines des plus grosses prestations défensives de la saison appartiennent à Alontae Taylor, Devon Witherspoon ou encore Kyle Hamilton. Avec sa capacité à défendre les passes, intercepter les ballons qui traînent ou plaquer derrière la ligne d’engagement, le Nickel sait maintenant empiler les stats.

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