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Histoire de latéraux #3: les pistons

Suite et fin de notre série sur les joueurs de côté défensifs. Et justement, aujourd’hui, nous nous intéressons à ces joueurs hybrides que sont les pistons. Jouant dans un système ou ils sont positionnés plus haut que les défenseurs centraux, quelles sont les caractéristiques principales de ces joueurs à la fois défenseurs et attaquants ?

Qu’est ce qu’un piston ou un « Carrilero » ?

Carlos Bilardo, l’autoproclamé inventeur de la défense à trois

Dans notre série sur l’histoire des latéraux, nous sommes revenus largement sur ce poste de joueur de côté. Ce poste se résume donc à de nombreux déplacements le long de la ligne de touche et de nombreux duels à jouer et à anticiper. Et si, dans un schéma « classique » à 4 défenseurs, le latéral peut compter sur l’ailier qui est devant lui pour combiner et libérer des espaces, les systèmes de jeu faisant intervenir trois défenseurs centraux sacrifie cette association sur le côté pour laisser place à un joueur hybride, à la fois considéré comme un attaquant et un défenseur. Dans ce système ou la paternité est revendiquée par Carlos Bilardo en 1982 avec l’Argentine, le « Piston » se retrouve seul pour bloquer les attaques latérales adverses, être en renfort des milieux de terrain et apporter une solution à la relance ou à la construction d’une attaque.

De nombreuses tâches et responsabilités illustrées par le sélectionneur argentin dans un entretien accordé au magazine SoFoot : « Derrière, un libéro, deux défenseurs centraux et deux « Carrileros » (joueurs de couloir, ndlr), même si je n’aime pas trop les appeler comme ça, parce qu’on a l’impression qu’ils sont enfermés dans leur couloir. S’ils veulent venir dans l’axe, ont leur met une amende ? Je préfère les appeler milieux-latéraux à la limite… Comme la majorité des équipes jouent avec deux attaquants, on met les deux défenseurs centraux à leur marquage, avec un libéro en couverture, sachant que les latéraux doivent s’occuper du marquage des ailiers, non ? Même si je compte sur eux pour qu’ils attaquent davantage qu’ils ne défendent, et pas seulement du côté où il joue. » Le Carrilero est donc partout, et nulle part, à la fois en défense, au milieu et en attaque, se déplaçant principalement sur un axe afin de transmettre une pression et une énergie supplémentaire au moteur central…tel un piston.

La révolution du 3-4-3 : attaquants ou pistons, il faut choisir

Ashley Young (à gauche), était ailier avant de descendre d’un cran à Manchester.

Aujourd’hui, les équipes représentant le mieux ce système de défense à 3 et de « Carrileros » sur le côté sont surtout des équipes Italiennes telles que le Napoli de Walter Mazzari avec Christian Maggio et Carlos Zuniga, la Juventus de Conte avec Stephan Lichtsteiner et Kwadwo Asamoah, ou celui de Guardiola, ou en phase offensive, le 4-3-3 classique se muait en 3-4-3 avec un Sergio Busquets se plaçant entre Piqué et Puyol des joueurs comme Pedro, David Villa ou Alexis Sanchez rentrant dans l’axe, et donc, des pistons comme Dani Alves et Eric Abidal chargés de centrer et d’écarter le jeu.

Dans une interview pour Eurosport, Christian Gourcuff nous confirme que ce renouveau pour le système à 3 vient du 4-3-3 et de l’aspect ultra offensif des latéraux : « Le 3-4-3, c’est une évolution logique du 4-3-3 avec des joueurs qui sont plus dans leur registre à condition d’avoir une capacité de jouer chez l’adversaire […] Dans les équipe qui évoluaient ces dernières années en 4-3-3, les deux latéraux jouaient très haut en phase offensive. Du coup, les deux axiaux s’écartaient. Et, le numéro 6 décrochait dans la ligne défensive. On retrouvait alors une défense à 3 en phase offensive dans une sorte de 3-4-3. » Ainsi, et malgré une paternité argentine et une forte utilisation italienne, c’est bel et bien le Catalan Guardiola qui a remis ce schéma au goût du jour dans l’optique d’avoir un meilleur contrôle de la possession et de trouver plus de solutions de passes courtes, notamment en transition offensive. 

Cet révolution aura également eu un impact majeur sur les joueurs, et notamment sur les offensifs excentrés. En effet, alors que l’on considérait ces joueurs comme des milieux ou des ailiers se devant de « manger » la ligne de touche afin de centrer dans l’axe, bon nombre de ces joueurs sont finalement devenus des attaquants excentrés se devant d’apporter une solution de finition dans la surface de réparation ou devant rentrer dans l’axe pour finir une action (attaquants en faux pied). Enfin, le seul choix restant aux ailiers traditionnels fût de se reconvertir en latéral et donc, avec une composante beaucoup plus défensive. C’est notamment le cas pour Antonio Valencia qui était ailier droit avant d’être repositionné au poste de latéral droit. Même cas de figure pour Ashley Young qui fut ailier gauche au sein d’Aston Villa en 2010 avant de devenir défenseur gauche chez les Red Devils. Enfin, Victor Moses, espoir anglo-nigérian commençait sa carrière en tant qu’ailier droit avant de connaître son vrai poste sous Antonio Conte à Chelsea.

Conte, ou l’art de magnifier les Carrileros

Antonio Conte a permis à de nombreux pistons d’éclore sous ses ordres.

Et si il y a bien un homme qui maîtrise à la perfection ce schéma de jeu et cet art du Carrilero, c’est bel et bien l’entraineur italien et ancien sélectionneur de la Squadra Azzura. Le natif de Lecce a connu ses principaux succès dans un 3-5-2 ou les pistons avaient une grande importance au sein de la construction des offensives. Lors de son aventure bianconera, Conte installa Stephan Lichtsteiner et Kwadwo Asamoah un cran au dessus d’une défense à 3 composée de Chiellini, Bonucci et Barzagli. Résultat : 3 titres de champion durant ses années à la Vieille Dame. Même cas de figure en Angleterre avec Chelsea. Après un Euro 2016 rempli de regrets (l’Italie sortira en quarts de finale aux tirs aux buts), celui qui a fait de Candreva et de Florenzi ses pistons sous le maillot azur décide de signer à Chelsea.

Et l’équipe du sud de Londres ne déroge pas à la règle puisque Antonio Conte fera venir David Luiz en guise de 3e défenseur aux côtés de Gary Cahill et Cesar Azpilicueta, et surtout Marcos Alonso pour animer le côté gauche des Blues. Le résultat est là aussi sans appel puisque les Blues remporteront leur 6e titre de champions avec 93 points et 30 victoires. Aujourd’hui, Antonio Conte est le seul entraineur à avoir une pleine maîtrise de cette utilisation des pistons. Maîtrise qu’il a choisi de mettre au service de l’Inter Milan ou il a notamment retrouvé Antonio Candreva, Kwadwo Asamoah, et fait venir Ashley Young et Victor Moses. Tout ces joueurs étant devenus des pistons durant les années récentes. Et malgré de nombreuses tentatives de copies (notamment en France durant la saison actuelle), peu d’équipe parviennent à performer sous cette tactique très exigeante pour les joueurs de côté.

Ainsi s’achève notre série d’articles sur l’histoire des latéraux avec la troisième grande utilisation du défenseur de côté. Il est évident que ces trois rôles ne sont pas figés et que  certains joueurs ont pu à la fois être des latéraux offensifs dans une défense à 4, des latéraux défensifs, ou des pistons (cf : Abidal ou Ivanovic), néanmoins, comme on a pu le voir à travers ces articles, certaines caractéristiques peuvent vous permettre de « classer » un défenseur dans une case, et donc d’en déduire tout l’aspect tactique de l’équipe. On peut donc dire que le latéral est le poste le plus hétéroclite dans le foot actuel avec celui d’attaquant central.

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