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Preview UFC 268 : Usman vs Covington 2

L’UFC 268, qui a lieu ce week-end dans l’enceinte du mythique Madison Square Garden de New-York, proposera en climax la revanche entre le tenant du titre de la catégorie des Welters, Kamaru Usman, et son challenger officiel, Colby Covington. Rematch qui sent le souffre, tant l’animosité entre les deux hommes, deux ans après leur première confrontation, ne s’est en rien atténuée. Même si l’équilibre des forces en présence a, lui, quelque peu changé…

La tenue, en décembre 2019, du combat entre celui qui était, déjà, champion et celui qui était, déjà, son contender numéro un représentait alors le pinacle de ce que pouvait proposer la division. Rien moins que le face-à-face entre les deux meilleurs fighters de la caté, chacun semblant au summum de sa forme, n’affichant qu’une seule défaite à son palmarès et semblant prêt comme jamais à en découdre. Et s’il arrive qu’une affiche fort attendue ne délivre pas l’émotion espérée, voire déçoive carrément (Adesanya vs Romero, c’est de toi que je parle), celle-ci avait tenu toutes ses promesses et même plus encore. S‘imposant dès sa tenue comme un classique instantané, l’un des meilleurs combats de l’année et de l’Histoire des 170 lbs. Opposant deux combattants à leur prime, au top de leur capacité, charriant une animosité en rien simulée et décidant de s’entre-dévorer dans le sang.

À ce jeu-là, on avait été surpris de voir Covington, qu’on aurait pu craindre physiquement un peu trop juste (par rapport au gabarit de golgoth de son adversaire), faire plus que jeu égal avec Usman. N’hésitant pas à aller à la bagarre et refusant de céder le moindre pouce de terrain en striking. Affichant détermination sans faille, versatilité dans son game plan, agressivité du début à la fin et mental de ferrailleur qui lui coûtera, d’ailleurs, peut-être la victoire.

Puisqu’alors qu’il abordait le dernier round en menant 3 à 1 sur la carte d’au moins un des juges (et de votre serviteur), et ce en dépit d’une mâchoire brisée en milieu de combat, son refus de s’économiser finira par permettre à Usman de le déborder, jusqu’à l’arrêt (qu’il est permis de trouver un poil prématuré) de l’arbitre. Dramatique final comme idéal point d’orgue à cet event de feu.

Usman gardait ainsi la ceinture après ce qui demeure, encore aujourd’hui, son combat le plus difficile, disputé face à l’adversaire qui lui aura posé le plus de problèmes. S’imposant plus que jamais en tant que champion incontesté d’une division qu’il allait, les mois suivants, continuer à méthodiquement nettoyer en y équarrissant les noms les plus dangereux – en l’occurrence Gilbert Burns et Jorge Masvidal, ce dernier par deux fois.

Mais alors qu’on aurait apprécié que lui et Colby fassent la paix des braves, ce dernier préféra rester fidèle à son personnage. Mauvais perdant, agressif et grossier, s’enfonçant dans une longue litannie d’excuses, de dénégations et de pures et simples accusations (selon lesquelles tout le monde était contre lui et avait triché) concernant la tenue du combat – Deontay Wilder a du apprécier.

Réaction qu’on peut trouver décevante de la part d’un tel guerrier. Mais qui ne devrait pas non plus surprendre, pour qui est habitué à ses saillies. Tant s’y niche, sans doute, l’une des clés de sa personnalité : l’abus de ce comportement de cas social qui lui a permis de se faire connaître et atteindre les cimes de l’organisation. Dès lors qu’il est entendu, au sein de l’époque qui est la nôtre, que le seul talent ne permet pas toujours l’ascension vers les sommets. Ce que l’américain a appris à ses dépends…

Flash-back : Covington est un lutteur d’exception dont le palmarès universitaire puis amateur (en lutte et en grappling) lui a permis d’intégrer les rangs de l’UFC dès son sixième combat de MMA, en 2014. Il affiche, peu ou prou, déjà toutes les compétences qu’on lui connait, n’encaissant qu’une défaite et montant consciencieusement les marches de sa catégorie. Mais il ennuie. Son style (qui privilégie le sol, culturellement moins apprécié que le striking aux États-Unis), ses victoires souvent remportées à la décision et sa personnalité plutôt effacée ne tirent que des bâillements aux (télé)spectateurs. À tel point qu’en octobre 2017, juste avant son combat à Sao Paulo face à Demian Maia, l’organisation lui signifie que, victoire ou défaite, son contrat ne sera probablement pas renouvelé. C’est le déclic.

Après une démonstration technique l’ayant vu dominer l’enfant du pays, Colby pète un câble et, lors de l’interview post-fight, insulte le Brésil dans son ensemble, jusqu’à traiter ses habitants de « filthy animals » (qu’on pourra, approximativement, traduire par « animaux dégueulasses » : la classe à Dallas). La bascule s’est effectuée en une minute chrono, sous le regard du monde entier : Covington le fade s’est mué en Colby le salopard, endossant sciemment la panoplie du super-vilain, celui que chacun aime détester (selon la fameuse formule de l’acteur/cinéaste Erich Von Stroheim), reprenant à son compte l’adage selon lequel « qu’importe qu’on fasse parler de soi en bien ou en mal, l’important est qu’on fasse parler ». Son Mister Hyde tout juste libéré lui offrant, de fait, exposition sans commune mesure avec sa terne première partie de carrière.

C’est comme si on avait assisté à une renaissance (pour le coup celle de l’antéchrist). Ne s’étant, ainsi, guère passé un mois sans que le combattant fasse depuis parler de lui, toujours pour de mauvaises raisons. Accumulant les beefs avec à peu près chaque combattant du roster, multipliant les navrantes déclarations régulièrement hors-cadre, affichant si extrême soutien à Trump qu’il en devenait presque parodique. Surjouant, en fait, tant son personnage qu’on se demande comment le gimmick a pu, à ce point, fonctionner. Tellement il était évident (sans l’ absoudre en rien) qu’il en rajoutait sans cesse dans le pur et simple mauvais goût, encore et toujours, dans le seul but de provoquer réaction la plus horrifiée possible. C’est d’ailleurs à cette période qu’il commença, comme un aveu d’intention on ne peut plus clair, à effectuer ses entrées dans la cage au son du fameux Medal, le thème de Kurt Angle – ancien médaillé olympique de lutte reconverti dans le catch. Comme pour bien faire comprendre que son comportement avait désormais plus à voir avec celui d’un méchant de la WWE qu’avec un combattant de MMA.

Mais si son cinéma constant lui a fait atteindre un insolent pic de popularité, sa nouvelle notoriété lui ayant tout autant que ses résultats permis de décrocher son title-shot, on a aussi l’impression qu’il a, insidieusement, fait changer l’homme. Le rendant prisonnier, d’abord en surface puis de plus en plus en profondeur, d’un rôle dont il ne parvient plus à s’extraire. Tout ceci n’allant pas sans dommage, puisqu’on sait depuis Nietzsche que celui qui regarde l’abîme se voit aussi regardé par lui. Et il semble ainsi que Colby, à force de frayer avec une négativité assumée, ait fini par ne plus toujours faire la différence entre son moi profond et son personnge de cartoon. Comme si ce dernier avait fini par lui monter à la tête pour phagocyter l’espace entier. Tel un Anakin Skywalker se cramant au contact prolongé du côté obscur de la Force…

Au fur et à mesure qu’il s’enfonce dans son rôle, Colby fait de moins en moins rire. Et alors qu’il pouvait se targuer d’un trashtalk parfois brillant, il devient une caricature de beauf ultra-vulgos que même ses fans hardcore peinent à défendre. En témoignent ses ridicules vidéos dans lesquelles il s’affiche aux côtés de call-girls complaisantes ou ses dérapages verbaux (telle sa navrante sortie sur Matt Hughes après son combat contre Robbie Lawler) au cours desquels il franchit régulièrement la ligne. Sans qu’on sache, au juste, s’il s’agit de la réelle expression de ses convictions ou d’une provocation poussée jusqu’à l’abject. Le tout allant même jusqu’à occulter ses incroyables facultés qui en font l’un des meilleurs combattants de l’organisation.

Enfoncé dans sa logique jusqu’au-boutiste selon laquelle « trop n’est pas encore assez », il avait ainsi cru fort finaud, avant son combat contre Usman, d’en appeler à la mémoire de Glenn Robinson, le coach de longue date de ce dernier, décédé un an auparavant (affirmant que c’était de la faute indirecte de son poulain). Refusant d’ensuite s’excuser. Avant de plusieurs fois (tenter de) provoquer le champion à travers des insultes si ouvertement racistes qu’on se demande comment elles n’ont pas été sanctionnés, au moins pour la forme (étant bien entendu qu’à l’UFC plus encore qu’ailleurs, la justice ne s’applique pas de la même façon pour tous).

Des quelques interventions glanées avant l’event de samedi, il a l’air de n’avoir en rien changé, bien au contraire. Jouant la même partition éternellement haineuse et cynique. Étant devenu cette grande gueule avec qui tout dialogue sincère semble désormais impossible, piégé qu’il est dans sa figure de sale con assumé. Lequel en est réduit à en ressasser son aigreur en permanence, ne bâtir sa hype que sur le bad blood, sans jamais rien parvenir à dire de constructif sur personne.

Attitude qui peut apparaître d’autant plus déplacée que Usman, s’il a pu, par le passé, jouer le jeu en répondant aux provocations puériles de certains de ses adversaires (qu’il s’agisse de Covington ou Masvidal), paraît désormais à mille lieues de la fange dans laquelle patauge Colby. Le champion affichant aujourd’hui la sérénité non feinte de ceux qui connaissent leur valeur, savent qui ils sont et de quoi ils sont capables. Sans avoir le moins du monde besoin d’étaler leur force à tout bout de champ, sans temps ni énergie à gaspiller dans des querelles de cour d’école – et encore moins de concours de quéquette. Faisant d’autant plus, serait-ce involontairement, apparaître Covington comme un roquet qui jappe dans le vide, à la recherche de la moindre marque d’attention…

Comportements respectifs qui, sans sombrer dans le symbolisme nigaud, pourrait donner clair indice quant à la tournure du combat à venir. L’un, Usman, semblant dans son prime, en constante progression, actuellement si fort qu’on ne voit guère comment il pourrait être défait. L’autre, Covington, n’ayant combattu qu’une fois depuis leur rencontre (et encore était-ce contre un Woodley rincé) et dont le bruit constant, ces vaines provocations, ont plus l’air de chercher à le rassurer que vraiment convaincre qui que ce soit de sa supériorité proclamée.

De là à dire que le main event de ce week-end flirte avec l’affrontement idéologique, il y a un pas que l’on se gardera de franchir (même si absolument tout nous y pousse). Étant entendu que l’UFC, sous une indignation de façade faisant mollement semblant de condamner tout dérapage, se délecte d’une storyline qu’elle n’a même pas besoin d’alimenter. Le gentil contre le méchant, le champion contre le challenger, le noir contre le blanc, le fils d’immigrés contre le all american boy… choisissez celle que vous préférez, c’est cadeau.

Sans surtout perdre de vue que la grande machine continuera à tourner, quel que soit le vainqueur. Si le vilain l’emporte, on sera parti pour un troisième combat qui cristallisera toutes les passions démesurées charriées par les deux combattants (même si nous, spectateurs, ne sommes pas certains d’avoir la force d’endurer l’arrogance qu’on imagine XXXL d’un Colby nouveau champion). Si Usman conserve son titre, à peine prendra-t-il le temps de se poser que se profilera à l’horizon la prochaine menace, nouvelle figure marquante de la division : ce croque-mitaine venu de l’Est qui affiche un loup comme animal-totem et atomise tout sur son passage. Même qu’on ne devrait pas le dire, mais c’est aujourd’hui un peu lui qu’on attend de pied ferme dans le prochain épisode. C’est dire combien s’annonce passionnante la suite du film.

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