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Gustavo Kuerten, l’histoire d’un amour parisien

Un coup de foudre. Voilà comment on pourrait résumer le début de la relation entre le public de la Porte d’Auteuil et le fantasque Brésilien. Celui qui début sa carrière en 1995 n’est pourtant pas destiné à une grande carrière, et pourtant, en 1997 l’histoire du tennisman originaire de Florianopolis allait se transformer en véritable conte de fée.

Avant le début des Internationaux de France, Gustavo Kuerten enchaînes les tournois européens sans grande réussite. Pour retrouver de la confiance, Guga décide de retourner au Brésil et remporte le tournoi Challenger de Curitiba. Pour ses premiers pas sur la terre battue française, passer deux ou trois tours suffirait à son bonheur. Il arrive dans l’anonymat le plus total et occupe la 66eme place mondial au début du tournoi. Mais il ignorait encore que quelques jours plus tard, il allait créer certains des plus beaux exploits réalisés lors de la quinzaine parisienne.

Comme une bouffée d’air frais

À 20 ans, Gustavo Kuerten passe les deux premiers tours sans grande difficulté avant d’affronter la tête de série n*5, l’Autrichien Thomas Muster. Mené 3-0 dans le cinquième set, le Brésilien veut abdiquer, balance sa raquette sur le sol. Mais son grand frère, Raphael, présent dans les tribunes l’ordonne de se relever et d’aller gagner ce match. Mission réussie, Kuerten remporte grâce à sa détermination et ses coups foudroyant fond de court son troisième tour. Ce match va représenté non seulement un tournant dans son rapport avec le public de Roland-Garros mais aussi de sa carrière.

Gustavo Kuerten lors de son premier Roland-Garros en 1997 (France Télévision)

En quart de finale, il affronte le précédent vainqueur du tournoi, le Russe Ievgueni Kafelnikov qu’il sort également en cinq sets et devient le premier Brésilien a atteindre une demi-finale dans un tournoi du Grand Chelem. À une époque où le tennis est dominé par l’ovni Pete Sampras et les « crocodiles » (les gros cogneurs du fond de court), les performances de Gustavo Kuerten représente quelque chose de nouveau pour le public.

Son physique longiligne et son tennis relâché en font un chouchou du public qui, sans aucun Français ayant passé la première semaine, en a fait son favori pour la victoire finale. Le tableau était ouvert, la moitié des têtes de séries avaient été éliminés entre le 1er et 3eme tour de la compétition. En finale, c’est comme une formalité. Il remporte la rencontre en trois sets face à Sergi Bruguera (6-3 ; 6-4 ; 6-2), et obtient son premier Roland-Garros à seulement 20 ans en ayant sorti trois précédents vainqueur. Devant sa famille, ses amis, le public parisien, il réalise un rêve de gosse et aussi celui de son père Aldo, décédé alors qu’il était qu’un gamin. Son titre l’amène à la 15eme place mondial et lui accorde une place unique dans l’histoire. Les deux années qui suivent à la Porte d’Auteuil sont d’un autre calibre. Tête de série n*8 à deux reprises, il est sorti en 1998 au deuxième tour par Marat Safin et en 1999 par Andrei Medvedev en quart de finale.

Ordem e Progresso

En recherche de régularité, Guga arrive à Roland-Garros en 2000 avec le statut d’un joueur affirmé. Tête de série n*5, il est l’un des favoris pour la victoire finale. Le soutien et le lien qu’il a tissé avec le public français sont toujours présent. Dans un entretien pour La Dépeche en 2015, il confirmait qu’il se sentait comme chez lui en France. « Je me sens Français, oui. Ce pays représente ma deuxième maison. La manière dont les gens me supportaient, me manifestaient de l’attention…. Et c’est encore le cas aujourd’hui. Je crois que l’on peut parler de spiritualité, de dévotion. Il s’agit d’une de mes plus belles conquêtes dans ma vie.« 

Pourtant, les deux prestations qui ont suivies sa victoire en 1997 laissaient présagé que celle-ci n’était qu’un coup de chance. Mais comme en 1997, il se défait de quatre têtes de série et remporte sa finale face au Suédois Magnus Norman. Deuxième Grand Chelem remporté et troisième place mondiale acquise, il ne lui reste plus qu’une chose à atteindre : la première place, qu’il va finir par atteindre à la fin de l’année.

« Guga n’était pas Français, il ne ressentait pas la pression du public comme Mauresmo, Monfils ou Gasquet. Il n’y avait que des ondes positives entre lui et les spectateurs. »

Jorge Salkeld, son agent depuis ses 17 ans lors d’une interview pour France Info

Larri Passos, l’entraîneur de Gustavo Kuerten, a fait en sorte que son poulain obtienne un mental de fer avec des entraînements rugueux, dans l’espoir de devenir le meilleur au monde. Il se révélera être bien plus qu’un coach et, ensemble, ils affronteront les drames de la vie, comme la perte du plus jeune frère de Guga, en 2007. Victime d’un syndrome respiratoire depuis la naissance, Guilherme se sera battu toute sa vie avec une déficience physique et intellectuelle. « J’avais sous les yeux deux opposés : d’un côté, tout le glamour du circuit, de l’autre, je le voyais, lui, avec son mode de vie différent. Il m’a aidé à regarder la vie plus simplement », confesse Guga dans Le Monde.

Son entraîneur, tout comme le public parisien, l’a vu au bord du craquage à plusieurs reprises, comme en 2001, où il est sur le point de craquer face au qualifié amériacain, Michael Russell. Mené deux sets à rien, il doit maintenant sauver une balle de match dans la troisième manche… Au terme d’un échange irrespirable de 26 coups, il reste en vie dans une ambiance digne du Maracana. Relancé, galvanisé comme jamais, il puise dans ce soutien l’énergie pour renverser complètement le match. Après sa victoire, il prend sa raquette et dessine un cœur sur le court pour remercier son public.

Comme quatre ans auparavant, cette victoire l’aura galvanisé pour aller au bout. Et comme lors de ses deux premières victoires aux Internationaux de France, il a affronté et battu Kafelnikov en quarts de finale. Le signe du destin sans doute. Vainqueur de l’espagnol Alex Corretja en quatre sets en finale, Gustavo Kuerten remporte son troisième Roland-Garros qui devient définitivement son jardin. Avant Nadal, c’était lui le grand monsieur de la terre battue. Arrivé au firmament de sa carrière, Guga ne remportera pas d’autre Grand Chelem dans sa carrière. L’héritage qu’il a laissé à Roland-Garros suffit pour l’inscrire dans la légende du tennis.

Pour son dernier Roland-Garros en 2008, Gustavo Kuerten reçoit un prix spécial de la part de l’organisation, pour le remercier des souvenirs qu’il a créé et de l’amour qu’il aura donner au public français. La Porte d’Auteuil est comme son jardin désormais et le lien avec le public restera pour toujours indéfectible. Cette générosité discrète, ce sens du partage, font partie intégrante du personnage. Kuerten a toujours eu un cœur immense. Il pouvait bien en transplanter une partie dans celui du public français.

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