MMA

Anderson Silva, l’ancien visage de l’UFC

Anderson Silva est l’une des références du sport (crédit: PictureAlliance)

Si on vous demande qui est le plus grand combattant de tous les temps la promotion majeure de MMA, on vous dira sûrement que c’est Khabib Nurmagomedov ou Conor McGregor. Mais aujourd’hui, on va vous parler de l’un de ceux qui s’invitent au débat (et qui le mérite), le combattant poids-moyen qu’on surnomme l’Araignée, Anderson Silva. Retour en détail sur la carrière du tenant du titre de sa catégorie pendant près de 10 ans.

Le brésilien, auréolé de 34 victoires, 11 défaites et 1 no contest, a démarré sa carrière dans son pays natal en 1997, à l’âge de 22 ans. Il s’est fait un nom progressivement, quatre ans plus tard où il signe au Shooto où il n’a combattu que deux fois. C’est malgré tout suffisant pour remporter avec brio le titre des poids moyens en terrassant Hayato Sakurai, un local qui n’avait jamais été vaincu auparavant. Ce combat marquera le grand envol de Silva, qui rejoindra une autre promotion nipponne mais bien plus prestigieuse que la précédente, le PRIDE. Elle compte un grand nombre de noms reconnus de la profession dans ses rangs, notamment Alistair Overeem, Minotauro Nogueira ou le champion des poids-moyens de l’époque, Wanderlei Silva.

C’est donc face à Alex Stiebling que le combattant sudaméricain va poser ses pieds pour la première fois dans ce Tokyo Dome si réputé. L’américain, au surnom évocateur de “Brazilian Killa” est plus jeune que notre cher Anderson, mais compte une série de 7 victoires de rang (dont 6 contre des brésiliens, ce qui lui a donc valu le fameux surnom) et a déjà combattu à l’UFC, où il a perdu face à Mark Hughes. Il a donc beaucoup d’expérience. Anderson Silva ne semble pas impressionné et a déjà cette attitude spectaculaire qui fait sa légende, en entrant sur le ring en toute décontraction, et faisant déjà son petit effet que ce soit au public japonais, tout comme aux commentateurs. Il est déjà vu comme la prochaine star montante du pays qui a vu naître certaines des plus grandes légendes du sport. L’affiche est belle, les styles sont opposés et c’est l’occasion ou jamais pour le combattant brésilien de faire ses preuves.

Le combat est court et brutal. Stiebling ne peut rien faire, il encaisse des coups et des coups et ne parvient pas à se défendre. Il tente un takedown mais Silva lui met un high kick qui lui ouvre le crâne. La coupure est profonde, l’arbitre met fin au combat seulement 1 minute et 23 secondes après son début. Fin de série pour le “tueur de brésiliens”, confirmation pour “l’Araignée”.

Celui qu’on surnommait le “Roy Jones du Vale Tudo” et qui sera déjà considéré comme l’un des meilleurs combattants du monde restera au PRIDE durant un an et vaincra Alexander Otsuka puis Carlos Newton, respectivement sur décision et sur un flying knee. Mais c’est aussi là-bas qu’il connaîtra la première défaite de sa carrière avant la limite sur un triangle choke au premier round face à Daiju Takase le 8 juin 2003. Ce combat était l’exemple parfait des limites de la panoplie technique du jeune brésilien, qui avait été neutralisé au sol par un adversaire bien moins réputé et bien moins fort que lui. Cette défaite a été un électrochoc pour Silva, qui a voulu en finir avec le MMA pour ouvrir une entreprise de lavage automatique. Il n’était plus en confiance, déçu par sa performance, déçu par le comportement des gens autour de lui, qui le “boycottaient” selon les dires de son ami de toujours, Minotauro.

C’est d’ailleurs ce dernier qui va redonner un élan à sa carrière, en lui offrant des possibilités de combats grâce à ses contacts. Il décide donc de se reprendre en main, tout d’abord en quittant l’académie Chute Boxe dont il faisait partie et qui comptait dans ses membres l’illustre champion du PRIDE Wanderlei Silva et en rejoignant la désormais immanquable Brazilian Top Team de son compatriote et grand ami. Il a aussi décidé de combattre dans diverses promotions, tout d’abord au Brésil à la Conquista où il s’impose sur TKO, mais aussi dans la promotion sud-coréenne Gladiator où il bat également son adversaire mais sur décision. Mais c’est en Europe qu’il parviendra à reprendre du poil de la bête, à Cage Rage où il affronte (et bat sur décision) ce qui deviendra probablement le personnage le plus controversé de l’histoire du MMA, Lee Murray. Ce combat lui vaudra non seulement le second titre de sa carrière mais aussi une deuxième chance au PRIDE. 

Un regain de forme et une nouvelle direction.

Chance qu’il perdra de façon prématurée en étant soumis par Ryo Chonan dans un combat serré mais qui finira sur une des soumissions les plus spectaculaires de l’histoire, un flying scissor heel hook, ou plus simplement un espèce de tacle qui amène l’adversaire au sol tout en gardant une grosse pression sur le talon, un takedown et une soumission imparables. Le PRIDE est strict : Anderson Silva n’est plus dans leurs plans. Mais il peut toujours compter sur l’association londonienne du Cage Rage où il est toujours champion et défendra son titre à trois reprises dans un style bien plus efficace et sobre, et en finissant avant la limite chacun de ses prétendants au titre. Ses clinchs et ses frappes dans le clinch sont absolument meurtrières, il n’hésite pas à presser ses adversaires continuellement, son striking est phénoménal, et il a surtout amélioré son grappling, ce qui constituait son principal talon d’Achille. Il semble donc enfin rôdé et apte à affronter tout type d’adversaires, des strikers aux grapplers.

Après deux combats remportés en 2005, toujours dans cette fédération, il fait le grand saut vers les Etats-Unis pour la première fois de sa carrière et participe à un tournoi poids welter dans lequel il est annoncé comme grand favori, au Rumble on the Rocks, à Hawaii. Malheureusement, il est disqualifié dès le premier tour face à Yushin Okami pour un illegal kick, ce que défend de manière véhémente le brésilien à qui “les règles n’auraient pas été bien expliquées” et qui constituait une “façon lâche de gagner” pour son adversaire du soir. D’ailleurs, les deux s’affronteront quelques années plus tard, à l’UFC, et Anderson Silva se vengera en y venant à bout par TKO.

Bien heureusement, cette défaite n’est qu’anecdotique et l’Araignée retournera dans sa chère et tendre promotion anglaise pour asséner un nouveau KO et conserver son titre pour la dernière fois sur un “walk off” reverse elbow absolument extraordinaire face à Tony Fryklund. Silva s’amuse, devient plus spectaculaire, on commence à entrevoir l’homme qui fascinera tous les fans d’UFC des années plus tard. En Europe, sa réputation n’est plus à faire, il est LE poids-moyen à ne pas louper. Il est désormais temps pour lui de quitter le vieux continent, et de s’attaquer aux plus gros poissons, les Américains. Et c’est en 2006 qu’il signe à l’UFC pour plusieurs combats, à l’âge de 29 ans et au palmarès impressionnant de 17 victoires pour 4 défaites.

Le grand saut

Dans ce continent qui ne le connaît pas, Silva repart de zéro. Son premier combat se déroule le 28 juin 2006 face à Chris Leben, combattant réputé pour son crochet du gauche et sa solidité et qui avait remporté 15 victoires, dont 5 depuis son arrivée à l’UFC. Ce dernier avait même déclaré qu’il battrait sans réelle difficulté le brésilien, tout fraîchement arrivé. Et le karma s’en est occupé. 49 secondes, un coup de genou du brésilien dans les dents de son adversaire, et un public américain déjà conquis. Le natif de Sao Paulo devient prétendant au titre de Rich Franklin, qui est déjà parvenu à défendre à deux reprises son titre. Et il n’a pas peur. Les deux se respectent et savent que le combat risque d’être très compliqué. Mais il ne faut pas oublier que notre maître en Vale Tudo est une légende partout où il est passé, et c’est ce qu’il prouve ce soir là. Le 14 octobre 2006, il brise le nez de l’ancien professeur de mathématiques dès le premier round, devient le deuxième combattant à le battre et devient champion poids-moyens de l’UFC dès sa deuxième apparition, à 31 ans. La légende est en place. 

S’en suivront près de 8 années de règne sur sa catégorie, avec un style offensif et explosif, puis une personnalité exubérante et extravagante qui en feront un personnage autant aimé que détesté, mais reconnu par tous. Durant ces années, il battra un grand nombre de légendes du sport, comme Rich Franklin à deux reprises, le lutteur Dan Henderson, Vitor Belfort ou Chael Sonnen. Il remportera un grand nombre de ces victoires sur KO, détenant par la même occasion le record de “KO of the Night”. Il connaîtra ses premières critiques à la suite de son combat face à Patrick Côté, qui s’est blessé au genou durant le combat et qui fut le premier de ses adversaires à atteindre le troisième round. Dana White, le grand patron, déclare que cet Anderson Silva “a fui le combat et n’est pas celui qu’il a vu combattre les deux années précédentes”. Le style de combat de Silva commencera donc à se “détériorer”, avec une volonté plutôt axée sur l’humiliation et la moquerie plutôt que sur l’efficacité et la recherche du KO le plus rapide possible. On est loin des rounds de domination de Spider, on est plutôt sur de la provocation et de l’absence de combat, comme on a pu le voir face à Demian Maia dans un affrontement fade et “embarrassant” selon Dana White qui commence à tourner le dos à son combattant, le meilleur pound-for-pound et le public et lui commencent à lui reprocher son arrogance, ce pour quoi Silva s’excusera.

La descente aux enfers

Malgré des victoires sur des adversaires de plus en plus impressionnants, notamment la première défaite par KO du divin Vitor Belfort en 28 combats, Anderson Silva semble s’essouffler. En 2010, face à Chael Sonnen, il encaisse 289 coups, ce qui constitue un nombre plus importants que l’ensemble des coups qu’il a encaissé depuis son arrivée à l’UFC, soit 11 combats. On sent le déclin arriver petit à petit, puis c’est un “beau” soir de 2013, à l’UFC 162 que l’impensable se produit. Dans une énième provocation face à Chris Weidman, ce dernier arrive à atteindre la mâchoire d’Anderson Silva qui est touché, bras ballants. Il tente de réagir, de se remettre dans le combat, mais il est trop tard : Weidman l’a mis au sol et a obligé l’arbitre à stopper le combat. Après 16 victoires et 2 457 jours de règne, l’Araignée a été écrasée. C’est un coup de tonnerre sur la planète MMA. Anderson Silva obtiendra une revanche dans laquelle il se blessera de la pire des façons, en se brisant la jambe gauche en tentant un leg kick anodin. A près de 37 ans, la carrière du brésilien semble compromise et tout le monde lui conseille de s’arrêter avant qu’il ne soit trop tard et qu’il gâche la merveilleuse carrière qu’il a eue. Mais il essaie de revenir et signe un nouveau contrat de 15 combats à l’UFC, et a même la possibilité d’être l’un des coachs de The Ultimate Fighter, qui se déroule au Brésil en 2015. Silva remporte son premier combat post-blessure face à Nick Diaz mais la descente aux enfers continue : à la suite de ce combat, il est testé positif à des substances interdites par l’UFC, des stéroïdes anabolisants. S’en suivront 5 défaites en 6 combats pour l’un des plus grands, qui est sorti par la petite porte dimanche dernier, en étant battu par K.O. par Uriah Hall, à l’âge de 45 ans. 

Malgré une fin de carrière absolument catastrophique, le statut d’Anderson Silva ne doit pas être remis en question et devrait justement servir d’exemple pour les jeunes prodiges. Les combattants UFC prennent de nombreux coups et le niveau athlétique et martial demandé est bien au dessus des autres promotions. Avec la montée en puissance de fédérations comme ONE Championship ou le Bellator, et des viviers de talents comme le Cage Warriors ou LFA en Europe, la majorité des combattants ne parviennent pas à faire la différence en arrivant dans la grande promotion. La carrière d’un combattant est courte mais c’est ce qui en fait le charme, c’est cette reconnaissance express que chacun peut avoir. On a pu en voir d’autres exemples comme Khabib qui devrait arrêter sa carrière sur un bilan parfait, et qui s’est développé en à peine moins de 5 ans, ou à l’inverse, un Conor McGregor qui n’arrêtait plus de surprendre mais qui a été arrogant et qui l’a payé cher et qui, maintenant, a pris sa retraite à trois reprises tout ça pour refaire parler de lui avant de revenir à l’UFC, sans pour autant livrer des combats dantesques à chaque fois. En tout cas, pour en revenir à l’incroyable champion qu’est Anderson Silva, il nous aura laissé de grands souvenirs, un règne qu’il sera difficile à détrôner, et des moments de gloire comme de dépit. Ce que ce grand homme nous aura enseigné, c’est qu’il ne faut jamais abandonner, et que l’humilité est la meilleure des armes. Et son combat face à Israel Adesanya il y a maintenant presque deux ans peut être vu comme le passage de flambeau entre l’ancienne et la nouvelle génération, entre ceux qui représentent déjà le visage des poids-moyens dans l’histoire de l’UFC.

Laisser un commentaire

En savoir plus sur Café Crème Sport

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading