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Deceuninck-Quick Step : derrière Julian, Cavagna et Sénéchal

Qui dit Belgique, dit cyclisme. Qui dit cyclisme, dit Belgique. Et qui dit cyclisme belge, dit Deceuninck-Quick Step. La formation dirigée par Patrick Lefevere est une institution du vélo mondial qui compte, dans son fameux Wolfpack, parmi les meilleurs coureurs de la planète. C’est aussi un incubateur idéal pour plusieurs coureurs français. Julian Alaphilippe, évidemment, qui porte ces couleurs depuis le début de sa carrière pro en 2013. Mais deux autres également, moins connus, et pourtant pétris de talent : Rémi Cavagna et Florian Sénéchal. Au sein de la structure belge, ils sont en progression constante et se montrent de plus en plus. L’occasion de se pencher sur leur parcours. En route !

Rémi Cavagna, Le TGV de Clermont-Ferrand

Rémi est né du côté de la capitale de l’Auvergne un 10 Août, en 1995. S’il commence le vélo à l’âge de 14 ans, après avoir d’abord usé ses semelles sur la course à pied, il ne tarde pas à se révéler comme l’un des meilleurs coureurs au niveau national. Et de la même façon, il fait vite étalage des qualités qui sont les siennes : Rémi Cavagna est un rouleur puissant et étincelant dans le contre-la-montre, son exercice de prédilection.

Si on s’attarde sur les catégories pré-professionnelles, le nom Cavagna devient progressivement un incontournable des exercices chronométrés. A 17 ans, en juniors, il termine troisième au championnat de France. L’année suivante, à nouveau troisième, à l’échelon continental cette fois. Médaille de bronze au Championnat d’Europe. Il passe alors espoir et devient champion de France universitaire CLM. Deuxième cette année-là au niveau national, il deviendra champion de France l’année suivante. Titre qu’il conservera en 2016 avant de passer pro. Chez Deceuninck donc.

Rémi Cavagna lors de sa conquête du titre de champion de France 2020 sur contre-la-montre (Source : lactuducyclisme.fr)

Nous sommes en 2017, et il est au bon endroit pour apprendre le métier. Il grandit tranquillement en réalisant des performances honorables et se montrant de plus en plus régulier. C’est pourtant en 2020 qu’on le voit franchir un vrai pallier. Toujours plus présent, et décrochant dans l’élite ce titre national du contre-la-montre qui est sa propriété depuis les années juniors. On le voit brillant aussi sur le Tour de France – niveau notoriété, ça change tout ! – lors du dernier chrono vers la Planche des Belles Filles. Il s’y classe 6ème battu par les seuls Pogacar, Dumoulin, Porte, Van Aert et un Roglic tout déplumé. Ça vous classe un homme. À son avantage, il convainc Thomas Voeckler de le sélectionner pour aller défendre les chances françaises au championnat du monde à Imola. Là-bas, il finira 7ème. À 48 secondes. Derrière Ganna. Van Aert. Küng. Thomas. Dennis. Et Asgreen. Pas de quoi rougir. Et un cap pour le futur, afin de devenir le meilleur.

On l’a compris, Cavagna est un formidable rouleur. Mais ne nous y trompons pas, cela ne le cantonne pas pour autant aux contre-la-montre. Sur des courses d’un jour, il peut être un sérieux candidat. En échappée, résistant en bon baroudeur adepte du bras de fer de tête de course. Ou même éventuellement en « faisant le kilomètre », exploitant au maximum sa puissance. On l’a ainsi vu remporter une Classic Ardèche (2020) ou une étape sur le Tour de Californie (2019). Il compte aussi une étape de grand tour glanée sur la Vuelta en 2019. Et a terminé par exemple second d’un Tour de Belgique, devant un Tony Martin ou un Philippe Gilbert. Un coureur très intéressant donc, aux caractéristiques de rouleur confirmées. Précieux pour sa formation, fut-ce individuellement ou collectivement.

CALPE, ESPAGNE – 21 AOÛT 2020 – Rémi Cavagna, coureur de la Deceuninck-Quick Step (Photo by Luc Claessen/Getty Images)

Et cette année alors ? Rémi tentera bien entendu de conserver son titre contre-la-montre, au nom de sa suprématie sur le territoire national. Il courtisera de même l’Europe et le monde. Sur les courses à étape, il cochera aussi les épreuves chronométrées. Il est passé tout prêt sur Paris-Nice, battu pour une poignée de centièmes, terminant dans la même seconde que Stefan Bisseger. Rebelote sur le Tour de Catalogne, où il sera battu de 5 petites secondes par le seul Rohan Dennis. On l’a aussi vu très en canne et à l’attaque sur ce même Tour de Catalogne. « Il n’y a plus qu’à » comme on dit. Cavagna a tout pour nous en faire « péter une belle » prochainement. Les années de travail commencent à payer. Il est temps de capitaliser sur les efforts fournis. À suivre.

Florian Sénéchal, notre Flahute à pavés

Florian Sénéchal est de deux ans l’aîné de Rémi Cavagna. Né à Cambrai, c’est un pur produit du Nord. Et cela se traduit dans le profil de coureur qui est le sien. Un Flahute comme on dit. Un coureur costaud. Rude. Dur au mal. Qui s’épanouit dans le froid, le vent, la pluie et les cahots de ces voies pavées qu’il affectionne tant.

Florian fait partie de ces coureurs qui ont rencontré leur passion pour le vélo très jeune. Dès l’âge de 9 ans, le petit Sénéchal commence à traîner ses guêtres sur les bitumes du Nord, en compagnie du paternel. Il fait ses classes et, chez les cadets, devient champion de France. Déjà. Dans les rangs amateurs, Sénéchal se révèle et conforte tous les espoirs que l’on peut placer en lui. Il y remporte en 2011 le Paris-Roubaix juniors, naissance d’une autre histoire d’amour. La même année, et dans cette même classe d’âge, il se classe second sur le Tour des Flandres et 4ème au championnat du monde. Il gagnera encore l’année suivante un Bruxelles-Opwijk, réaffirmant ainsi sa volonté de jouer les empêcheurs de tourner en rond sur le terrain des voisins belges. Des ambitions qu’il entend porter à l’échelon supérieur.

S’il a d’abord été stagiaire, puis coureur à part entière, dans l’équipe de développement de la Quick-Step, il ne convainc pas immédiatement le management de miser sur lui. En 2014, il revient ainsi au pays en signant un contrat avec la formation Cofidis. Avec la garantie de courir les Flandriennes, ces courses qui ont les faveurs de ses mollets. Et de son cœur. Il y restera trois ans avant de retourner du côté de la Quick-Step d’un Patrick Lefevere finalement convaincu par le talent du jeune Cambrésien.

Florian Sénéchal en compagnie de Kasper Asgreen et Zdenek Stybar, ses coéquipiers chez Deceuninck – Quick-Step lors de la Classique E3 Saxo Bank remportée par le coureur danois. 26 Mars 2021. (Photo by DAVID STOCKMAN/BELGA MAG/AFP via Getty Images)

Si on observe la marque laissée par le nom Sénéchal dans les chartes de l’élite, on y retrouve ainsi beaucoup de belles places d’honneur : 3ème sur le Tro Bro Leon en 2015, idem sur À Travers le Hageland en 2016 (derrière Van Aert et Terpstra! – course qui sera remportée l’année suivante par un certain Mathieu Van der Poel), 10ème sur À Travers les Flandres en 2017, 2ème de À Travers La Flandre-Occidentale-Johan Musseuw Classique 2018 (battu à cette occasion par un certain … Rémi Cavagna. Tiens, tiens !). À partir de 2019 – après son retour dans la maison Quick-Step – il passe encore la vitesse supérieure. Il finit 6ème de Paris-Roubaix, sa préférée. Et 9ème de la Bretagne Classic. En 2020, il continue sa progression en se classant 2ème de Gand-Wevelgem derrière Mads Pedersen, 3ème sur la Bretagne Classic ou 10ème sur le Het Nieuwsblad.

Le coureur nordiste est pourtant loin d’être rassasié. Fort de cette expérience qu’il garnit année après année. Bien installé. De plus en plus sûr de sa force. Il a profité de ce début de saison 2021 pour prolonger la dynamique ascendante de ses performances en selle. Sur son terrain de jeu, évidemment. Au cœur de la Flandre. Sur la classique E3, il se classe 2ème. Pris en sandwich entre Kasper Asgreen (1er) et Mathieu Van der Poel (3ème). Il poursuivra sa campagne flandrienne avec une septième place au Het Nieuwsblad et une neuvième sur À Travers les Flandres. Le week-end dernier, sur le Tour des Flandres, il finit encore neuvième. Nouveau top 10, dans une course qui tombe dans l’escarcelle du Wolfpack. Avec un Asgreen impérial. Et un Florian au contact des meilleurs. Sur un monument pavé. Auquel aurait dû en succéder un autre …

Florian Sénéchal, coureur français de la Deceuninck-Quick Step, est spécialisé dans les courses Flandriennes et les pavés. Sur Paris-Roubaix, il dispose d’un fan-club basé au Café chez Françoise, près du secteur pavé de Troisvilles (Source : Le Parisien)

Et c’est là le petit point noir pour Florian à ce stade de la saison. Dans un monde parfait – comprendre « monde normal », comprendre « monde sans covid » – ce week-end aurait dû être celui d’une autre fête pour le vélo. Celui d’une autre légende pavée qui habille les pages des plus grandes épopées cyclistes. Celui de Paris-Roubaix. Florian Sénéchal était en grande forme. Il devait y incarner le ticket n°1 pour le Deceuninck-Quick Step. Mais le destin en a décidé autrement. Une chauve-souris, un pangolin, un marché alimentaire et une pandémie plus loin, l’Enfer du Nord n’aura pas lieu. Pas tout de suite en tout cas. Immense déception forcément pour notre Flahute. Et pour nous tous.

« C’était prévu (ndlr : qu’il soit leader sur Paris-Roubaix). Ils savent très bien que c’est une course où je suis plus à l’aise. Ils me font confiance pour cette course »

Florian Sénéchal s’exprimant sur Paris-Roubaix – France Bleu

Il confirme pour France Bleu : « Je me suis beaucoup entraîné pour. C’est une course qui me tient à cœur dans la région des Hauts de France. Personnellement, c’est dur ». Course pour laquelle son équipe avait fait de lui son leader désigné : « C’était prévu. Ils savent très bien que c’est une course où je suis plus à l’aise. Ils me font confiance pour cette course et ils sont toujours désolés pour moi quand elle est annulée ».

« Je suis focus sur la fin de saison, les championnats du monde et Paris-Roubaix »

Florian Sénéchal – France Bleu

Philosophe toutefois, Sénéchal ne joue pas les aveugles quant aux événements qui agitent le monde et le pays, et en accepte l’augure : « Je peux comprendre le report parce que c’est une course assez dangereuse où il y a beaucoup de chutes et on sait très bien que les hôpitaux de France sont surchargés. Ce serait stupide de renvoyer 5 ou 10 coureurs à l’hôpital ». Et d’ajouter, déjà projeté vers la suite : « Je suis focus pour la fin de saison, les Championnats du monde (Ndlr : 26 septembre – Où ? En Flandre, bien entendu) et Paris-Roubaix le 3 octobre ».  

L’enjeu pour lui sera là : réorganiser ses pics de forme pour arriver au départ de ce Paris-Roubaix automnal avec au moins autant de gaz qu’il en a en ce moment. Mais dans la mesure où la nouvelle date coïncide avec les Mondiaux qu’il avait déjà cochés… cela ne changera pas fondamentalement la donne. Toute sa saison est désormais tournée vers ces deux dates. Nos regards également.

Au pays du cyclisme fleurissent donc certains de nos plus beaux espoirs tricolores. Par le biais d’Alaphilippe bien-sûr, mais aussi par ces deux beaux coureurs que sont Cavagna et Sénéchal. Le premier continue son développement et commence à répondre aux attentes qui l’entourent. Le second arrive à maturité et pourrait offrir à la France quelques très beaux moments de vélo. Dès cet automne ? On l’appelle de nos vœux. Deux coureurs à surveiller en tout cas. Pas – encore – les plus connus du grand public certes. Mais pour combien de temps encore ? À eux de répondre.

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