Rugby

Stade rochelais : de la Pro D2 à Twickenham

En 2014, le Stade rochelais remportait une finale d’accession face à Agen permettant ainsi sa remontée en Top 14. Sept ans plus tard, les Maritimes disputeront une finale de Champions Cup à Twickenham le 22 mai prochain. Retour sur l’ascension fulgurante de ce club porté et supporté par toute une ville. (crédit photo : AFP – Xavier Leoty)

2014 : la remontée en Top 14

En 2011, le Stade rochelais est rétrogradé en Pro D2, le président Merling fait alors appel à un nouveau duo d’entraîneurs. Patrice Collazo et Fabrice Ribeyrolles ont pour objectif de faire remonter le club en Top 14 le plus rapidement possible. Après deux défaites, deux années de suite en demi-finale au Stade du Hameau, marquées par de multiples bagarres générales face à Pau, les Maritimes ont l’occasion de prendre leur revanche à Marcel-Deflandre en 2014. Le staff rochelais peut s’appuyer sur deux joueurs clés. Tout d’abord, Uini Atonio dans le paquet d’avants, recruté par Patrice Collazo en 2011 et repéré dans un tournoi de rugby à 10 à Hong Kong. Puis derrière, le facteur X est un jeune fidjien, Lepani Botia. Ce joueur inconnu en Europe, gardien de prison aux Fidji a été attiré à La Rochelle par son compatriote Sireli Bobo, en qualité de joker médical de Gonzalo Canale. Le trois-quarts centre ne va pas tarder à devenir la coqueluche des Bagnards grâce à son impact physique sur le terrain. Dès la première minute de jeu en demi-finale, Botia s’amuse dans la défense paloise bien servi par un offload de Gourdon, et inscrit le premier essai de la rencontre. Le Fidjien récidive à la demi-heure de jeu et fait se lever tout le stade Marcel-Deflandre. Comme souvent, la mêlée fera aussi la différence en fin de match et le Stade rochelais s’impose 35-18.

Les coéquipiers de Romain Sazy ont rendez-vous dès le week-end suivant à Chaban-Delmas pour affronter Agen en finale et obtenir leur place en Top 14. Lors de cette finale, le Stade rochelais creuse l’écart en première mi-temps grâce à son pack notamment, et sa mêlée surpuissante. Les expérimentés Lafoy, Jacob, Sazy et Djebaïli encadrent parfaitement les jeunes Atonio, Gourdon et Kieft. Les trois-quarts vont conclure le travail des avants par l’intermédiaire de Damien Cler en première période, puis de Sireli Bobo dans le second acte qui profite d’un nouvel offload décisif de Kevin Gourdon, après celui de la demi-finale. Malgré une grosse fin de match du SU Agen, les Rochelais s’imposent 31-22 et remontent en Top 14.

Vous ne verrez rien de plus beau aujourd’hui : Christophe Lafoy et Jalil Narjissi qui s’échangent des amabilités dès la sortie du tunnel.

2014-2016 : s’installer en Top 14

Lors de la saison 2014-2015, le Stade rochelais va vivre une drôle de saison. Xavier Garbajosa remplace Fabrice Ribeyrolles et prend en charge les arrières. Les Rochelais vont connaître beaucoup de match serrés, la preuve en est, c’est l’équipe qui termine avec le plus grand nombre de matchs nuls (5) en Top 14. Le début de saison des Maritimes est compliqué, ils pointent à la dernière place au classement lors des cinq premières journées, avant de se reprendre. L’arrivée de l’hiver aussi fait du mal à cette équipe rochelaise qui est relégable entre la 12e et la 16e journée. Un succès obtenu alors qu’il ne reste que quatre matchs à jouer, va faire beaucoup de bien aux hommes de Patrice Collazo en fin de saison. Les Jaune et Noir reçoivent le RCT qui leur avait passé 60 points à l’aller. Ils sont menés de quatre points à une minute de la fin et vont se battre pour aller chercher la victoire.

La Rochelle obtient une pénalité à quelques secondes de la fin, mais à cette époque il est impossible d’aller chercher la pénaltouche après la sirène. Alors Patrice Collazo s’égosille pour demander à ses joueurs d’aller chercher la touche. C’est chose faite à seulement deux secondes de la fin. A la suite de cette touche un maul s’enclenche mais il est bien défendu par les Toulonnais. A cinq mètres de la ligne, Malietoa Hingano joker médical se saisit du ballon, et plein de rage s’en va inscrire l’essai de la victoire. Dans un stade Deflandre bouillant, les joueurs sont soulagés et émus au coup de sifflet final tout comme leur coach qui laisse échapper quelques larmes. Le Stade rochelais termine la saison 9e à 8 points de la 6e place, mais avec seulement deux points d’avance sur le premier relégable, Bayonne. La saison suivante sera moins stressante pour les Charentais qui vont terminer encore une fois 9e avec une nouvelle fois 54 points au compteur. Mais le maintien sera assuré assez aisément, Oyonnax et Agen apparaîtront rapidement comme les deux équipes les plus faibles du championnat.

2017-2018 : la sensation puis la désillusion

En 2016, le président Merling est déjà en train de réaliser du très bon travail mais ne souhaite pas s’arrêter en si bon chemin. Il recrute deux stars expérimentées en la personne de Victor Vito et Brock James. Le Stade rochelais va aussi recruter malin en attirant les jeunes Danny Priso et Jérémie Maurouard, mais surtout Vincent Rattez en provenance de Narbonne en Pro D2, et Arthur Retière âgé de 19 ans et chipé au Racing 92. Cela n’a rien d’un recrutement XXL pour un club de Top 14. Pourtant ça va rapidement porter ses fruits. Le Stade rochelais ira jusqu’en demi-finale de Challenge Cup avant d’être éliminé par Gloucester. Mais la véritable sensation c’est la saison des Maritimes en Top 14, les Jaune et Noir vont terminer la phase régulière en tant que leader et s’offrir le luxe d’égaler un record, celui du Stade toulousain qui était de 11 matchs consécutifs sans défaite (record rebattu par le Stade toulousain en 2019). Le Stade rochelais a appris à aller gagner à l’extérieur et s’est imposé à sept reprises hors de ses bases. Ces résultats permettent donc au club de disputer une demi-finale de Top 14.

Les hommes de Patrice Collazo sont bien dans leur demi-finale à la 50e minute de jeu, ils mènent 15-6. Mais un plaquage dangereux de Pierre Aguillon sanctionné d’un carton rouge va faire basculer la rencontre. Les joueurs de la Rade vont revenir à 15-15 et Belleau va passer le drop qui vient crucifier les Rochelais après la sirène. Une fin de saison rageante avec la seule défaite à Deflandre qui coûte une finale de Challenge Cup, et ce drop à la dernière minute qui brise les rêves de Brennus rochelais.

A l’occasion de la saison 2017-2018, les Maritimes continuent sur leur lancée. Ils sont en tête du Top 14 à mi-championnat, profitant notamment de deux recrues surprises : Grégory Alldritt et Pierre Bourgarit en provenance d’Auch. Mais ils vont s’écrouler au printemps, avec des défaites en Top 14 qui s’accumulent, et une élimination par les Scarlets en quart de finale de Champions Cup. Le coup de grâce intervient finalement lors de la 24e journée en championnat quand le Castres olympique vient s’imposer à Deflandre. Les Tarnais finiront finalement la saison 6e laissant les Rochelais juste derrière eux au classement avec deux longueurs de retard. Les hommes de Christophe Urios qualifiés in-extremis pour les phases finales créeront ensuite l’exploit en barrages, en demi-finale puis en finale pour soulever le bouclier de Brennus.

2019 : le rebond

Après une saison exceptionnelle, les Charentais échouent donc aux portes des phases finales lors de l’exercice suivant, mais l’équipe ne va pas s’effondrer, bien au contraire. Jono Gibbes remplace Collazo c’est l’occasion de repartir sur de nouvelles bases au début de la saison 2018/2019. En Challenge Cup, les Rochelais éliminent Bristol en quart de finale et Sale en demi-finale. Ils s’offrent donc le droit de disputer une finale européenne à Newcastle face à l’ASM. Les Clermontois dominants marquent à la demi-heure de jeu et à la 59e par l’intermédiaire de Penaud et Fritz Lee. À un quart d’heure de la fin, les Rochelais réagissent avec un essai d’Atonio et reviennent à dix points des Jaunards. Un essai de Fofana sur une passe au pied de Lopez scelle le sort du match à la 70e minute de jeu, Clermont s’impose 36-16.

En Top 14, les coéquipiers de Uini Atonio terminent à la cinquième place et se déplacent à Colombes pour affronter le Racing en barrages. Faisant preuve d’efficacité, les Maritimes l’emportent 13-19 et filent en demi-finale pour affronter le Stade toulousain à Bordeaux. Les Rouge et Noir bien plus forts, l’emporteront 20-6.

Lors de la saison 2019/2020 le Stade rochelais s’appuie encore une fois sur un recrutement malin, en relançant Jules Plisson et en recrutant Reda Wardi et Facundo Bosch en première ligne. Ronan O’Gara intègre également le staff de Jono Gibbes. Les Jaune et Noir pointent à la troisième place du classement à l’issue de la 16e journée de Top 14, avant que le championnat soit définitivement stoppé pour cause de pandémie mondiale dès la journée suivante.

2021 : cette année c’est la bonne ?

Le recrutement du club maritime à l’intersaison ne semble pas être le plus impressionnant au moment d’entamer l’exercice 2020/2021, mais il est plutôt intéressant. Les Rochelais ont notamment perdu Rattez, Jolmes, Murimurivalu, Balès ou encore Roudil. Du côté des arrivées, la tête d’affiche du recrutement c’est Will Skelton, le colosse australien. Le staff charentais tente aussi les paris Brice Dulin, Raymond Rhule et Jules Le Bail.

Malgré de nombreux départs, les hommes de Jono Gibbes continuent à performer. Notamment grâce à des joueurs qui ont connu la Pro D2 avec le club, et qui représentent en quelque sorte l’âme de ce cette équipe : Atonio, Gourdon, Sazy, Kieft et Botia. A l’instar de Gourdon et Sazy certains joueurs dans cet effectif sont beaucoup plus précieux qu’ils n’y paraissent, c’est le cas de Jérémy Sinzelle, malheureusement blessé de longue durée, et du trois-quarts centre Geoffrey Doumayrou. Brice Dulin qui a relancé sa carrière du côté de la Charente-Maritime fait lui aussi beaucoup de bien à l’équipe et aux Bleus, tout comme le duo gersois Bourgarit-Alldritt, qui a très vite basculé de la fédérale 1 au XV de France. Les stars Skelton et Vito répondent aux attentes du staff et sont de véritables leaders sur le terrain. Les recrues Wardi et Rhule apportent énormément à l’équipe et se sont affirmées comme des titulaires. Enfin, la charnière néo-zélandaise Kerr Barlow-West anime de manière admirable et fait parfaitement le lien entre avants et trois-quarts.

Toute cette alchimie se ressent au niveau des résultats, puisque les Rochelais occupent la deuxième place au classement en Top 14, avec 5 points de retard sur le leader toulousain, mais aussi un match en moins. En Champions Cup, ils se sont qualifiés ce week-end pour la finale en battant le Leinster.

Les coéquipiers de Will Skelton ont frappé un grand coup le week-end dernier et auront toutes leurs chances le 22 mai prochain, en finale de Champions Cup à Twickenham face à Toulouse. En Top 14, les Jaune et Noir sont bien partis pour se qualifier directement pour les demi-finales. Mais Romain Sazy ne cachait pas ses ambitions dimanche, au micro de beIN Sports après la victoire : « c’est pas une finalité, on a envie de goûter à autre chose« . L’objectif est clair pour la fin de saison, il faut ramener un trophée sur le Vieux-Port de La Rochelle.

En sept ans, Vincent Merling ancien joueur du Stade rochelais, peut être fier et satisfait du travail qu’il a accompli en tant que président. Recrutement intelligent et engouement de toute une ville sont les clés de la réussite maritime. En cette période de huis clos, les Bagnards n’ont plus la possibilité de battre des records de matchs à guichets fermés, mais continuent de pousser derrière leur équipe. Les joueurs seraient bien inspirés de ramener une coupe d’Europe, un Brennus, ou les deux, pour les en remercier.

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