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Le jour où : 2 millièmes ont fait de Mehdi Baala le roi d’Europe

Le sport de haut niveau se joue sur des détails. Un pied qui traîne dans la surface de réparation, une balle qui mord la ligne du couloir, un ballon qui rebondit 3 fois sur l’arceau avant de transpercer les filets. Sur la piste, le hasard est une chose plus rare. Le chronomètre est une valeur des plus objective, enlevant une grande partie de la chance pouvant sauver un athlète. Mais lorsqu’une breloque continentale du plus beau métal se joue au millième de seconde, alors on comprend que quelque soit la discipline, il faut un petit coup de pouce du destin pour rentrer dans la galaxie des grands champion.

Munich, 8 Août 2002. A quelques minutes de prendre le départ de la finale du 1500 mètres des championnats d’Europe d’athlétisme, on peut imaginer la pression posée sur les épaules de Mehdi Baala. A 24 ans, le Strasbourgeois d’origine a rendez vous avec l’histoire. Grand favori de l’épreuve, le petit prodige de l’athlétisme français le sait, rien ne sera facile. Notamment en raison de la présence des Espagnols Juan Carlos Higuero, et surtout, Reyes Estevez. Estevez, c’est le prototype du coureur piège. Pas le plus rapide, bon finisseur, expérimenté, il arrive à Munich en tant que tenant du titre, ainsi qu’auréolé de 2 médailles mondiales, à savoir le bronze à Athènes en 1997 et à Séville en 1999. Les autres outsiders se nomme Fouad Chouki, originaire de Strasbourg, et né en 1978, comme Baala, mais aussi et surtout le portugais Rui Silva, que le français craint particulièrement. Redoutable finisseur, (Son ultime tour lors de JO d’Athènes, en 2004, est le plus rapide dernier tour enregistré dans l’histoire du 1500m) il vient, en Juillet à Monaco, de courir en 3 min 30 s 07, ce qui représente un temps supérieur d’environ 2 secondes au record personnel de Baala avant d’arriver en Bavière.

Pourtant, c’est bien Mehdi Baala le favori. En grande partie pour sa performance olympique 2 ans plutôt. A Sydney, pour les premiers JO du millénaire, le gamin crève l’écran. 4 ème de la course, à tout juste 22 ans, il se classe derrière les mythiques Bernard Lagat, Hicham El Guerrouj, et Noah Ngeny, champion olympique à la surprise général. El Guerrouj fait directement du français son successeur. Il le prend sous son aile et une amitié se crée entre les 2. Les espoirs les plus fous sont mis sur le gamin de Strasbourg. Mais, un an après, c’est la douche froide. Si un français accompagne le grand Hicham sur le podium, il s’agit du vétéran Driss Maaouzi, qui, pour son dernier championnat en extérieur, s’empare du bronze. Baala, lui, a totalement craqué, en finissant 12ème et dernier. En cet après midi Aoûtienne, l’objectif est de lever l’affront.

La pluie, qui tombe sans discontinuer depuis de le début de championnat, et souhaité par le Strasbourgeois, est absente. C’est un grand soleil qui la remplace. La course, elle, commence sur un rythme de sénateur. Personne ne prend les commandes, et une course tactique se dessine. Un rythme de course qui convient parfaitement à Estevez et Silva, eux qui possède un finish dévastateur. Mais également au favori de la course, lui aussi possédant une science tactique et une pointe de vitesse de qualité. « Le problème, lorsqu’une course est si lente, c’est que tout le monde a les moyens d’être rapide dans le dernier tour » déclare Jean-Michel Dirringer, l’entraîneur du Français. Dans les fait, ce 1500 mètres se jouera dans un temps bien supérieur au record personnel de chacun. Il faudra donc compter sur sa pointe de vitesse après la cloche. Fouad Chouki utilisera les termes « d’allure de footing » pour décrire les premiers 1100 mètres. Évidemment le dernier tour est rapide, très rapide. Les athlètes sont tous en mesure de jouer la gagne, et cette course se résume à un 400m.

Se savant très fort, Baala le sait : Un 1500 mètres, à l’instar du 800, ne couronne pas toujours le coureur le plus rapide, mais bien souvent le plus intelligent sur la piste. La dernière ligne droite est haletante, et, sur la ligne, impossible de distinguer le vainqueur. Les 5 premiers se tiennent en 56 centièmes. Higuero, 5ème, puis Chouki, dépassé dans les derniers mètres par Silva, finalement médaillés de bronze pour 3 minuscules centièmes. Mais devant, c’est encore pire. Mehdi Baala et Reyes Estevez franchisse la ligne en 3min 45 s 25. Dans le même centième. Un temps très faible, d’ailleurs, à 15 secondes du meilleur temps de la saison des engagés. Mais alors, qui est champion d’Europe ? A l’œil nu, évidemment, impossible de le voir. C’est alors image par image que tout va être observé. Des longues minutes s’écoulent. Les 2 hommes font leur tour d’honneur ensemble, pensant peut être obtenir tout 2 la médaille d’or, un cas semblable étant une première sur une course autre que du sprint. Après une interminable attente, la décision tombe : Pour 2 minuscules millième, Mehdi Baala est champion d’Europe. Il succède à Michel Jazy, dernier français couronnée sur la distance en 1962, 40 ans auparavant. Une course remporté grâce à sa science tactique et sa pointe de vitesse. Mais, aussi, grâce à un coup de pouce du destin. Invisible à l’œil nu, c’est bien la technologie qui aura décidé de ne pas partager cette médaille d’or. Une grande désillusion pour l’espagnole, mais un soulagement pour le dossard 428 de ces mondiaux. Désormais, une chose est sur : Le déclic à eu lieu, Baala sait gagner dans les grands rendez vous, la France a trouver son nouveau prince de la piste : l’avenir est radieux.

En 2011, après ses ultimes championnat du monde à Daegu, cette après midi de 2002 représente elle le pic de la carrière carrière du pensionnaire de l’ASPTT Strasbourg ? Probablement pas, même si les émotions d’une première fois sont souvent inégalables. La suite de sa carrière alternera, comme depuis ses débuts, entre performances majuscule et grande déceptions. En 2003, à Paris, il devient vice champion du monde dans une ambiance ahurissante, seulement battu par son ami El Guerrouj. En 2004, il se blesse et ne prend pas part aux JO d’Athènes dont il était l’un des favoris. S’en suivra une élimination en demi finale au mondiaux 2005, puis un titre écrasant à Helsinki au championnat d’Europe 2006. Seul la médaille olympique lui échappe. Encore 4ème à Pékin, il profitera de la disqualification pour dopage de Rachid Ramzi pour goûter, des mois après, au métal olympique. Toujours recordman de France du 1500 mètres, il a détenu également pendant 12 ans celui du 800 mètres, discipline ou il brillait aussi, avant que Pierre Ambroise Bosse ne le fasse tomber.

Commentateur, ambassadeur auprès de la Fédération, il est nommé en 2017 directeur de la performance des équipes de France d’athlétisme. Charismatique, Baala fait sans aucun doute parti des visages les plus connu de la piste française de ses 20 dernières années. Avec Christophe Lemaitre, Renaud Lavillenie, Mélina Robert Michon, Kevin Mayer et Mahiedine Mekhissi-Benabbad , il est l’un des 6 athlètes de ce début de siècle à avoir ramené une médailles mondiale, olympique et européenne en individuel. La preuve que malgré une carrière en dent de scie, il n’en reste pas moins l’un des plus beau palmarès de l’athlétisme français.

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