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The Q Factor : Dwayne Haskins, l’exemple d’un échec

Le Quarterback est, sans conteste, le joueur le plus important sur un terrain de football. Bien qu’il ne peut pas faire à lui tout seul, il est très difficile d’aspirer aux grands honneurs sans avoir un excellent QB pour dicter l’attaque. Cette excellence reste cependant une rareté en NFL puisque il est difficile de retrouver 32 QB pouvant performer au très haut niveau. C’est pourquoi plusieurs équipes espèrent chaque année dénicher la perle rare à la Draft, quitte à se méprendre sur le potentiel réel d’un joueur. Tel qu’illustré dans le livre The Q Factor, cette capacité à trouver un « franchise quarterback » est une science inexacte, même si certains facteurs pourraient permettre d’analyser et de comprendre ce qui a fait le succès, ou non, d’un QB. C’est pourquoi nous vous proposons d’étudier le parcours des quarterbacks repêchés en 1ère ou 2ème ronde les saisons dernières.

Après l’analyse de Kyler Murray et Daniel Jones, on se penche aujourd’hui sur le troisième quarterback sélectionné lors de Draft 2019. Il s’agit de Dwayne Haskins, repêché au 15ème rang par les anciennement appelés Redskins de Washington.

👨‍🎓 Carrière universitaire

Originaire de Highland Park dans le New Jersey, Dwayne Haskins passe aussi une partie de son enfance dans le Maryland. C’est dans un lycée de cet État qu’il fait ses classes et qu’il se fait remarquer par plusieurs universités réputées du pays. Il faut dire qu’il sort d’une prestation de de plus de 5000 yards à la passe et de 54 TD en 3 saisons, en plus d’être reconnu pour son sérieux et son travail. De quoi séduire un bon nombre de programmes universitaires. Initialement, il hésite entre l’université de Maryland et celle de Rutgers (dans le New Jersey) mais, après s’être commis à jouer dans la première, il opte finalement pour le prestigieux programme d’Ohio State. Bien que ce n’est pas l’université la plus reconnue pour sortir des quarterbacks élites au niveau NFL, elle reste l’une des meilleure au pays et est donc une superbe vitrine pour tout joueur souhaitant briller aux yeux des recruteurs.

Comme bien souvent dans les grandes universités, il n’y évidemment pas l’opportunité, pour une jeune recrue, de percer l’alignement dès sa première année. Dwayne Haskins ne participe donc a aucun des matchs d’Ohio State en 2016 et se contente d’apprendre du quarterback partant, J.T. Barret. Fait intéressant, le quarterback suppléant cette année là est un certain Joe Burrow. Malgré la présence du futur numéro un au repêchage de 2020, c’est bien Haskins qui progresse dans la hiérarchie l’année suivante et qui devient donc le second de Barret. Bien qu’anecdotique, cette histoire permet de donner une idée du niveau développement de Haskins à ce moment là, à l’instar d’un Burrow qui mettra un peu plus de temps avant d’exploser finalement en 2019 du côté de LSU.

Source: Gregory Shamus / Getty Images

C’est donc en 2017 que Dwayne Haskins obtient ses premières opportunités de matchs. Bien qu’il n’en débute aucun, il a néanmoins l’occasion de fouler la pelouse lors de 8 parties. Il compile ainsi une fiche de 565 yards pour 4 TD et 1 interception (taux de complétion de 70.2%) + 86 yards à la course, lors de sa vraie première saison.

Bien qu’il s’agit d’un petit échantillon dans des matchs bien souvent sans enjeu, Haskins a eu l’occasion de montrer son potentiel et de convaincre son coach, Urban Meyer, de lui octroyer le poste de numéro 1 pour l’année suivante.

Source: The Athletic

Dwayne Haskins aborde donc sa saison sophomore (2ème année) comme titulaire des Buckeyes. Une opportunité en or pour enfin se faire connaitre aux grands publics. Et même si tout reste à prouver, il a également la chance d’être entouré d’excellents playmakers offensifs, et futur joueur de la NFL, que sont J.K. Dobbins (RB), Terry McLaurin (WR et futur coéquipier à Washington) et Parris Campbell (WR).

Il ne lui faut d’ailleurs pas très longtemps pour démontrer son talent puisque il excelle dès son premier match. Il mène les siens à un véritable festival offensif face à Oregon State (victoire 77-31) et compile d’excellente statistique: 313 yards pour 5 TD et 1 interception (taux de complétion de 73.3%) + 24 yards à la course. De quoi commencer idéalement une saison où les victoires s’enchaineront. Certes, les adversaires ne sont pas toujours des plus coriaces, mais la victoire contre Michigan, leur principaux rivaux en 2018, permet de confirmer le niveau affiché. Une victoire 62-31 et une autre impressionnante fiche de 396 yards pour 6 TD et aucune interception (taux de complétion de 64.5%) + 34 yards à la course.

Ohio State ne connaitra finalement qu’un seule défaite pour treize victoire. Dwayne Haskins est sans aucun doute l’un des principaux protagonistes alors qu’il a tout simplement exploser pour ce qui était sa première saison comme titulaire: 4831 yards pour 50 TD et 8 interceptions (taux de complétion de 70.0%) + 108 yards à la course pour 4 TD. Un taux TD-INT et un taux de passe complété excellents, digne de ce que l’on attend d’un joueur pouvant prétendre à la NFL. Performances qu’il réitère lors de la finale de championnat de la Big Ten face à Northwestern. Un sacre (45-24), 499 yards lancés pour 5 TD et 1 interception, et un titre de MVP. Il terminera finalement sa saison avec une nouvelle victoire lors du Rose Bowl (28-23 face à Washington) et un autre titre de MVP après ses 251 yards lancés pour 3 TD.

C’est donc sans surprise qu’il est dans les pourparlers pour le trophée Heisman, remis au meilleur joueur universitaire de la saison. Honneur qui sera finalement remporté par Kyler Murray. Quoiqu’il en soit, Haskins a parfaitement rempli son contrat et a su se faire remarquer aux yeux des recruteurs. Néanmoins, alors qu’on pensait qu’il s’alignerait pour une deuxième saison comme titulaire, il décide de se rendre éligible à la Draft dès 2019. Une décision audacieuse mais compréhensible de la part d’un joueur sortant d’une aussi bonne saison.

📅 La Draft

Comme c’est souvent le cas, Dwayne Haskins débarque donc à la Draft NFL 2019 après avoir connu une année de rêve. De quoi faire monter sa côte en flèche auprès des franchises en recherche d’un quarterback du futur, d’autant que cette classe 2019 n’est pas des plus étoffées à ce poste. Néanmoins, après seulement une vraie saison dans les chaussettes, sa situation peut apparaitre, plus que jamais, être un boom or bust au plus haut niveau, surtout s’il vient à être repêché haut avec beaucoup d’attentes.

Au delà des statistiques, Haskins possède tout de même des caractéristiques recherchées par les recruteurs. Si le physique ne fait pas tout (voir Kyler Murray), Dwayne Haskins présente un fort gabarit (1m93 et 104 kg) comme les recruteurs les aiment. Sa faible mobilité en fait cependant plus un quarterback de poche comme un Ben Roethlisberger que d’un quartback comme un Josh Allen capable de s’exprimer avec ses jambes. Sa force de bras est également ce qui le caractérise le plus et, avec son taux de complétion de 70%, il a su montrer une bonne précision dans ses passes. Du côté des faiblesses, rien ne semble alarmant et demande surtout du développement. Mais c’est justement là que ses peu de matchs joués peuvent poser question puisqu’il devra donc parfaire toutes ses améliorations chez les professionnels. À moins de démontrer un modèle de précocité, le lancer trop tôt dans la mêlée pourrait donc lui être préjudiciable.

Tel que mentionné, la cuvée 2019 ne regorge pas de joueurs de talent chez les quarterbacks, mis à part Kyler Murray. Il n’est donc pas surprenant d’entendre une possible sélection d’Haskins dans le top 10 avec les Giants (6ème choix) et Jaguars (7ème) ou bien en milieu de Draft avec les Dolphins (13ème) et Washington (15ème). Natif du New Jersey, Haskins a bien entendu une préférence pour les Giants de New York et ne s’en cache pas. Malgré tout, les Giants opterons pour un Daniel Jones beaucoup plus expérimenté, même si moins explosif.

Source: Kirby Lee / USA TODAY Sports

Au fil que la soirée du repêchage avance, les possibles prétendants pour Haskins passent leur tour. C’est donc finalement Washington qui jette son dévolu sur Dwayne Haskins avec le 15ème choix. On apprendra néanmoins plus tard que ce choix était surtout celui du très controversé propriétaire de la franchise, Dan Snyder. En effet, il s’avère qu’une partie de l’organisation n’était pas pour la sélection du joueur d’Ohio State et que c’est donc Snyder qui a eu le dernier mot. Le genre de situation, hors-terrain, loin d’être idéale pour l’arrivée d’un jeune joueur dont les espoirs restent élevés.

🏈 NFL – Année 1

Dwayne Haskins débarque ainsi dans la NFL dans une atmosphère étrange à son sujet et ce dans sa propre équipe. La situation est d’autant plus délicate que Washington peine à réaliser de bonnes performances depuis plusieurs saisons et que les espoirs sont peu élevés pour celle de 2019. Sans surprise, Haskins ne fait pas l’unanimité auprès du coach principal, Jay Gruden. Si bien que, en début de saison, Haskins semble être 3ème dans la hiérarchie derrière les vétérans Case Keenum et Colt McCoy. En soit, il ne s’agit pas d’une mauvaise chose de ne pas exposer trop tôt le jeune quarterback mais ce genre de désaveu peut aussi miner son moral.

Cette situation semble néanmoins évoluer rapidement puisque Haskins est appelé sur le terrain lors du 4ème match face, ironiquement, aux Giants alors que Keenum est mis sur le banc suite à une nouvelle prestation très décevante. Dans des conditions loin d’être idéales pour ses grands débuts, Haskins connait également une prestation catastrophique avec seulement 107 yards en 17 tentatives de passe et surtout 3 interceptions. Une preuve probablement qu’il n’est pas encore prêt. Il n’est donc pas surprenant qu’il retrouve son rôle de remplaçant les matchs suivants.

Source: Quinn Harris / Getty Images

Malgré le congédiement de Gruden après 5 défaites en 5 matchs, Haskins n’obtient pas plus pour autant les faveurs du coach par intérim, Bill Callahan. Du moins, pas avant le 8ème match où Haskins rentre à nouveau en fin de match suite à une blessure de Keenum. En 5 tentatives, il trouve cependant le moyen de lancer une nouvelle interception. Ceci dit, il obtient par la force des choses sont vrai départ la semaine suivante face au Bills. Si ce match se conclut par une nouvelle défaite et aucun TD marqué, il ne lance aucune interception et complète 68.2% de ses passes. Une preuve qu’il peut au moins évité la casse avec une préparation normale.

Incluant le match contre Buffalo, Haskins jouera finalement 7 des 8 derniers matchs de la saison mais sans démontrer beaucoup de chose malgré 2 victoires. Il termine ainsi la saison avec un peu plus de 7 matchs joués et une faible fiche de 1365 yards pour 7 TD et 7 interceptions + 101 yards au sol pour aucun TD. Avec une fiche de 3-13, la franchise peut éventuellement se dire qu’elle a permis à sa jeune recrue d’obtenir du temps de jeu. Néanmoins, il a prouvé qu’il n’était sans doute pas prêt à évoluer aussi tôt dans la grande Ligue et surtout pas dans le climat actuel de l’équipe.

🏈🏈 NFL – Année 2

À la fin de l’année 2019, Washington embauche un nouvel entraineur, Ron Rivera. Si la venue d’un nouveau coach apporte toujours son lot d’incertitudes pour un jeune quarterback en plein doute, Rivera a bonne réputation et pourrait être bénéfique pour le développement de Haskins. Rien n’est cependant acquis pour ce dernier, d’autant que Haskins voit également le retour de blessure du vétéran Alex Smith et la venue de Tyler Heinicke que Rivera avait coaché à Carolina. Il prend alors le taureau par les cornes en s’entrainant dur durant l’été et en arrivant très en forme au camp d’entrainement. Un effort qui finit par payer puisque Haskins est nommé titulaire pour débuter la saison.

Pour son premier match, Washington connait la victoire (27-17 face aux Eagles) mais il ne connait pas une grande performance avec une fiche de 178 yards pour 1 TD et 0 interception (taux de complétion de 54.8%) + 17 yards à la course. Bien qu’il ait obtenu la confiance de son entraineur, Haskins doit donc en faire plus pour prétendre d’être le quarterback dont sa franchise à besoin. Malheureusement, les choses ne s’améliorent pas les trois matchs suivants puisqu’ils se soldent par 3 défaites et Haskins enregistre seulement 3 TD pour autant d’interceptions. S’en est alors assez pour Rivera qui décide de le mettre de côté lors des 8 matchs suivants. Son sérieux lors des séances d’entrainements et de préparations de matchs est également cités comme causes de cette mise à l’écart.

Source: The Athletic

Alors qu’il connait le plus gros creux de sa jeune carrière, Haskins commence également à faire parler de lui en dehors des terrains alors qu’il tente de violer les protocoles de COVID mis en place lorsqu’il essaie de loger sa famille dans le même hôtel que l’équipe lors d’un déplacement à New York. Un geste qui peut paraitre d’une bonne intention envers ses proches mais qui illustre également le manque de sérieux actuel du jeune quarterback.

Malgré des rumeurs d’échange, Haskins reste à Washington pour le reste de la saison et profite d’une blessure d’Alex Smith pour retrouver le terrain en fin de saison. Mais avec des performances à l’image de celles du début de la saison, il ne saisit pas cette opportunité qui pourrait bien s’avérer être sa dernière. Cette fin de saison est également marquée par un nouveau déboire extra-sportif alors que des photos de lui sans masque lors d’une fête sont dévoilées. Un geste qui est très mal perçu d’autant que Ron Rivera a combattu un cancer en début de saison et est donc plus vulnérable en case de transmission de la COVID.

Considérant ses mauvaises performances en deux saisons, cet évènement est celui de trop et Washington décide de libérer le joueur le 28 Décembre 2020. Un constat d’échec sans équivoque pour la franchise de la capitale nationale mais surtout pour Dwayne Haskins qui n’aura jamais trouvé une façon de répliquer ses exploits d’Ohio State.

🎯 À quoi peut-on s’attendre pour la suite?

Quelques semaines après avoir été coupé par Washington, Haskins signe une entente avec les Steelers de Pittsburgh. Sans grosse profondeur au poste derrière Ben Roethlisberger, cette signature s’apparente surtout comme une potentielle solution peu couteuse pour les Steelers, plutôt qu’à un réel un coup de coeur pour Haskins. En cas d’une blessure du Big Ben, l’avenir nous dira alors le niveau réel de confiance envers Haskins et si ce dernier peut éventuellement relancer sa carrière cette saison.

Ceci dit étant dit, il serait surprenant de le voir devenir le numéro 1 d’une franchise et de performer à la hauteur d’un choix de première ronde. En effet, bien qu’il a sa part de sa responsabilité dans ses performances, il est la preuve que l’environnement d’un jeune quarterback a un impact significatif sur son développement et ses capacités sur le terrain. Certains diront également que son unique mais impressionnante saison à Ohio State n’était qu’un écran de fumée qui ne permettait pas d’évaluer son niveau réel.

D’après Brian Billick dans The Q Factor, on peut estimer à 50% de chance de repêcher un quarterback au premier tour qui répondra aux attentes en NFL. Au regard des deux dernières années, force est de constater que Dwayne Haskins fait parti du 50% d’échec. Lors du prochain article, nous terminerons notre analyse de la Draft 2019 avec Drew Lock, 42ème choix au total de Denver.

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