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Detroit Pistons : ‘Till it Collapse

Après s’être intéressé aux Chicago Bulls, toujours en quête de leur gloire d’antan, on se devait d’évoquer le destin des plus féroces adversaires de Jordan et sa bande, les « Bad Boys » de Detroit. Dans les années 1980, la proximité géographique et l’opposition de styles entre les deux équipes font naître une rivalité devenue légendaire. Mais nous sommes en 2020, et les Pistons achèvent une énième saison régulière sans relief, qui les mène inévitablement à la reconstruction. Pour de nouveau faire rugir Motor City ? (NBA Getty Images)

Lose yourself

À l’aube de la saison 2019/20, en dépit du sweep infligé par les Milwaukee Bucks au premier tour des derniers playoffs, les motifs d’espoir ne manquent pas à Detroit. Certes, les contrats de Blake Griffin et Andre Drummond plombent la masse salariale, mais ne forment-ils pas l’une des meilleures raquettes de NBA ? Plusieurs jeunes joueurs dont Luke Kennard, Thon Maker et le rookie Sekou Doumbouya vont poursuivre leur progression, l’arrivée de Derrick Rose va apporter de la folie et du scoring en sortie de banc. Sous la houlette de l’expérimenté Dwane Casey, les Pistons promettent d’être un poil à gratter de la conférence Est.

Hélas, rien ne se passe comme prévu à Motown. Blake Griffin et Reggie Jackson sont abonnés à l’infirmerie, quand Drummond se fait autant remarquer pour sa belle production statistique que pour sa nonchalance, ses errements défensifs et la faiblesse de sa palette offensive, bien qu’en amélioration. Plusieurs role players en profitent pour se montrer. Bruce Brown Jr se révèle être un excellent défenseur extérieur, les shooters Langston Galloway, Luke Kennard et Sviatoslav Mykhailiuk sont capables de prendre feu, le Frenchy Doumbouya s’offre quelques sorties intéressantes et son impétuosité étonne. Enfin, Christian Wood sort du bois et apporte une énergie très appréciée dans le secteur intérieur.

Insuffisant pour rivaliser en NBA. Les autres formations de l’Est sont souvent mieux armées que les Pistons, qui semblent souffrir d’un manque de talent. Pour ne rien arranger, au cours de cette saison, Coach Casey ne peut jamais profiter de son roster au complet. Au mois de janvier, l’ancien entraîneur des Raptors a déjà aligné 18 cinq majeurs différents. La situation de Blake Griffin inquiète particulièrement, l’ailier fort doit encore être payé plus de 35 millions jusqu’en 2022 et d’aucuns se demandent s’il a encore un avenir en NBA… La marge de progression de cette équipe n’a jamais paru si faible et le front-office doit trouver une solution pour accélérer le rebuild.

C’est ainsi qu’avant la trade deadline, Andre Drummond est transféré à Cleveland contre Brandon Knight, John Henson et un second tour de draft 2023. Une contrepartie faible sportivement, mais Drummond dispose d’une player option à hauteur de 28 millions de dollars pour la saison 2020/21, quand Knight et Henson voient leur contrat expirer à l’été 2020 et donc disparaître du salary cap. Ce n’est que le début des grandes manœuvres. Le meneur remplaçant Tim Frazier est coupé et surtout, un buyout est négocié avec Reggie Jackson et Markieff Morris. Si leur salaire est élevé au regard de leurs performances, il est étonnant que les dirigeants n’aient pas trouvé preneur.

Toujours est-il qu’en l’espace de quelques semaines, les Pistons font leur révolution. Alors qu’il reste près de deux mois de compétition, Casey et ses troupes sont déjà en roue libre. Oubliés les playoffs, l’objectif est de responsabiliser les jeunes. Quand la saison régulière est interrompue, Detroit se place à une peu reluisante 13e place de l’Est. L’avantage ? Abonnée au ventre mou de la NBA, la franchise du Michigan peut enfin rêver d’un top pick à la draft 2020, et d’un rookie autour duquel construire un projet.

It’ll be so empty without me

Detroit Pistons
Andre Drummond sous ses nouvelles couleurs (image : cleveland.com)

Le projet, justement, on s’est longtemps demandé s’il y en avait un à Detroit. En janvier dernier, le propriétaire Tom Gores fait le bilan au micro de Fox Sports : « nous devons tout analyser : nous ne gagnons pas, donc on doit évaluer la situation. Je pense qu’en tant qu’organisation nous devons nous réunir afin de discuter de certaines choses. » Et pendant que le ménage est fait sur le parquet, on s’apprête à faire la même chose en coulisses. Depuis le départ de Stan Van Gundy, qui avait la double-casquette d’entraîneur/président, et du GM Jeff Bower en 2018, la structure hiérarchique des Pistons n’est pas clairement définie.

En mai dernier, plusieurs sources confirment la recherche active d’un General Manager, qui serait placé sous l’autorité du conseiller principal Ed Stefanski et du vice-président Arn Tellem. Les premiers noms qui circulent sont ceux du jeune retraité Shane Battier et de deux membres du front-office : Malik Rose et Pat Garrity. Ces derniers quittent finalement les bureaux de la franchise afin de rejoindre respectivement ceux de la NBA et du syndicat des joueurs.

Des rumeurs commencent alors à circuler autour de membres des Pistons titrés en 2004, à savoir Tayshaun Prince et Chauncey Billups. L’idée serait d’en attirer un des deux en tant qu’assistant General Manager, auprès d’un GM plus expérimenté comme Ryan McDonough, Wes Wilcox ou Mark Hughes. En définitive, Billups ne serait candidat qu’à un poste de GM, tandis que Prince conserverait sa place dans l’organigramme des Grizzlies. Plus tard, on apprend que Mark Hughes est l’un des favoris de la direction, mais qu’il a été rejoint dans la course par Jeff Peterson, assistant GM des Nets, et Troy Weaver, vice-président des opérations basket du Thunder. C’est le dernier cité qui obtient le poste.

Troy Weaver était à OKC depuis 2008 et de nombreuses franchises se sont penchées sur son cas avant que Detroit ne finisse par s’attacher ses services. On lui prête notamment une grande influence dans la sélection de Russell Westbrook, James Harden et Serge Ibaka à la draft, et une capacité à construire des relations solides avec les joueurs. La tâche qui l’attend est ardue. Trop faibles pour exister en postseason, trop forts pour tanker, les Pistons doivent définir un projet clair à moyen terme. Pour redonner à la franchise aux trois titres NBA (1989, 1990, 2004) la place qu’elle mérite, et pour enfin remplir une salle qui sonne désespérément creux.

Pour ce faire, Weaver doit renforcer un front-office amoindri par les départs de Rose et Garrity. Directeur de la stratégie basket de Milwaukee depuis 2017 et connaissance d’Ed Stefanski, David Mincberg arrive comme assistant GM. Il est rejoint par Ryan West – fils de Jerry – qui intègre la cellule de scouting. Aux Lakers, il avait notamment œuvré pour drafter Svi Mykhailiuk en 47e position et de nombreux steals en fin de premier tour (Kyle Kuzma, Josh Hart) ou au second (Jordan Clarkson, Ivica Zubac) avant de rejoindre les Clippers la saison dernière.

Le staff sportif, lui, ne devrait subir aucune modification dans un premier temps. Dwane Casey et ses assistants semblent bénéficier de la confiance du front-office pour redresser la franchise. Habitué à tirer le maximum d’un groupe de jeunes et à les encadrer strictement, le COY 2018 a un profil qui correspond à la mission qui lui est confiée. À l’heure où nous bouclons ces lignes, voilà à quoi ressemble le roster des Pistons :

Meneur : Derrick Rose
Arrière :
Luke Kennard, Bruce Brown Jr, Khyri Thomas
Ailier :
Tony Snell, Sviatoslav Mykhailiuk
Ailier fort :
Sekou Doumbouya
Pivot :
Justin Patton

En bref, tout est à refaire. Avec huit joueurs sous contrat pour la saison 2020/21, la marge salariale est bien sûr confortable (plus de 43 millions de dollars à dépenser) mais il n’en sera pas moins difficile de se renforcer à la free agency, tant la franchise manque aujourd’hui d’attractivité. De plus, la loterie de la draft a été moyennement clémente avec les Pistons, qui récupèrent un septième choix qui ne leur permettra pas de mettre le grappin sur les prospects les plus convoités.

I’m beginnin’ to feel like a draft god

Detroit Pistons
Ryan West, nouveau venu au sein des Pistons (image : basketusa)

Le soir de la draft, le front-office de Detroit devra être inventif. Gregg Polinsky, responsable du scouting, a pour habitude de sélectionner le meilleur joueur disponible. Or, sauf surprise, les noms d’Anthony Edwards, LaMelo Ball, James Wiseman et Deni Avdija devraient tous sortir du chapeau avant la 7e place. Néanmoins, plusieurs profils restent intéressants pour les Pistons :

Il y a peut-être une chance que Killian Hayes glisse jusqu’à cette position. Drafter le Français serait une superbe opportunité pour les pensionnaires de la Little Caesars Arena. Du haut de ses 19 ans, Hayes a tout du meneur moderne. D’abord, le gabarit (1,95 m et 2,03 m d’envergure) ; puis le style de jeu. Grâce à sa vision, il sait déjà utiliser toutes les menaces possibles sur pick and roll et a montré qu’il était un bon passeur en plus de pouvoir défendre aussi bien les meneurs que les arrières. Expatrié à Ulm, en Allemagne, Hayes connaît déjà les exigences du niveau professionnel.

Doté d’un bon handle, il sait prendre soin du ballon et a montré qu’il savait créer son tir. Capable de finitions flashy près du cercle, il est adroit aux lancers francs mais doit améliorer son tir extérieur, son principal axe de progression avec sa main droite et sa capacité à encaisser les contacts. En manque cruel de playmaking, les Pistons ne se tromperaient pas en lui donnant les clés du camion, mais il faut s’attendre à des hauts et des bas dans sa saison de rookie et faire preuve de patience. Le talent est là. L’ancien de Detroit Will Bynum s’est entraîné avec lui et vante son éthique de travail et son potentiel.

Detroit Pistons
ULM, GERMANY – MARCH 08: (BILD ZEITUNG OUT) Killian Hayes of Ratiopharm Ulm controls the Ball during the EasyCredit Basketball Bundesliga (BBL) match between Ratiopharm Ulm and MHP Riesen Ludwigsburg at ratiopharm Arena on March 8, 2020 in Ulm, Germany. (Photo by Harry Langer/DeFodi Images via Getty Images)

Annoncé par la plupart des mock drafts entre la 8e et la 10e place, le meneur Tyrese Haliburton pourrait intéresser le front office des Pistons. Doté des mêmes mensurations que Killian Hayes, Haliburton a lui aussi un profil de meneur de grande taille au QI basket développé. Bon défenseur, travailleur, le prospect d’Iowa State est en revanche plus efficient sans ballon. Ses excellents pourcentages (50 % au tir, 42 % à trois points) ne mettent pas en relief son incapacité à créer son propre tir. On l’imagine aux côtés d’un Derrick Rose, défendant le meilleur extérieur adverse et se plaçant dans le corner quand le MVP 2011 aurait le ballon en main.

Meneur lui aussi, Cole Anthony est un des prospects les plus clivants de cette cuvée de draft. Certains soulignent ses pourcentages douteux (38 % au tir, 35 % à trois points) et son manque de création pour les autres. D’autres préfèrent souligner que ses pourcentages sont aussi dus au fait qu’il endosse seul la responsabilité de l’animation offensive de Tar Heels décevants et qu’il est un excellent ball handler, très rapide en transition et habile de ses deux mains. Le swingman Devin Vassell, capable de jouer aux postes 2 et 3, dispose d’un profil de 3&D précieux dans la NBA actuelle. 49 % au tir, 42 % à trois points et des aptitudes défensives redoutables sur les ailes. Vassell n’est pas le prospect le plus talentueux de cette draft 2020 mais il pourrait rapidement devenir une valeur sûre en NBA.

Orphelins d’Andre Drummond et pas assurés de pouvoir conserver Christian Wood, les Pistons pourraient bien être tentés de sélectionner un big man. La piste Wiseman écartée, les décideurs de la franchise du Michigan opteraient peut-être pour Onyeka Okongwu. Formé en tant qu’ailier fort, on lui imagine davantage un avenir au poste 5 en NBA. Légèrement undersized (2,06 m), Okongwu est un phénomène athlétique capable de switcher sur tous les postes et de protéger le cercle, un profil rappelant celui de Bam Adebayo. Pourtant, même s’il y a des besoins sur tous les postes, la priorité à Detroit est surtout d’ajouter du talent au roster. Le Nigérian d’origine comblerait un manque mais ne changerait pas le visage de la franchise. D’autant plus qu’à la free agency, il sera sans doute plus facile de trouver un intérieur besogneux qu’un meneur de jeu.

Enfin, le profil d’Isaac Okoro mérite d’être étudié. Meilleur défenseur extérieur de cette cuvée, son énergie et son enthousiasme feraient le bonheur de bon nombre de franchises. Sa marge de progression est énorme offensivement mais difficile de deviner comment il va se développer. Comme pour Okongwu, son utilité ne fait aucun doute mais il est destiné aux tâches obscures.

I’m back

Quoi qu’il se passe cet automne, les Detroit Pistons ne devraient pas concourir pour une place en playoffs en 2021. Engagés dans un lourd processus de reconstruction, ils doivent à présent fournir à Dwane Casey un roster qu’il puisse exploiter convenablement et faire progresser. Plusieurs vétérans doivent être enrôlés à moindre coût pour apporter de l’expérience et du vice aux plus jeunes. Surtout, il faut plus de talent. Aux côtés de son compatriote Doumbouya, Killian Hayes serait un rookie très excitant à développer dans le Michigan. Cependant, l’hypothèse de voir les Pistons trade down n’est pas à exclure. Plusieurs franchises comme Philadelphie ou Boston ont trop de picks pour des contenders et sont en mesure de proposer un package alléchant à Detroit contre le pick 7.

Par ailleurs, une solution doit être trouvée aux cas Blake Griffin et Derrick Rose. Sont-ils aujourd’hui partie intégrante du projet ? Il reste un an de contrat à Rose et son contrat serait facilement transférable. Apprécié par le staff, il pourrait, si sa motivation est intacte, continuer à faire des étincelles comme sixième homme. Le dossier Griffin est plus épineux. Lui n’a pas de doutes sur son futur : « je l’ai dit aux dirigeants. Je ferai ce qu’ils veulent. Même s’il faut prendre un rôle différent ou plus important. […] J’essaye de bosser et d’être le meilleur leader possible », mais Detroit préfèrerait se débarrasser de son encombrant contrat. Toutefois, même si des franchises étaient intéressées pour récupérer Blake Griffin, il faut se rendre à l’évidence : elles ne donneront rien en échange. Pire, elles réclameront de jeunes ou des tours de draft. Déjà peu pourvus qualitativement, difficile d’imaginer les Pistons faire une croix sur un ou plusieurs jeunes. Les chances pour que le All-Star poursuive à Detroit sont très élevées.

« Speramus Meliora ; Resurget Cineribus. » Nous espérons des temps meilleurs ; elle renaîtra de ses cendres. Telle est la devise de la ville de Detroit. Le chantier est immense à Motor City, mais la première pierre a été posée. Durée estimée des travaux ? Plusieurs années. Mais tôt ou tard, les mythiques Pistons renaîtront de leur cendre. C’est écrit.

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