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Kraken de Seattle : comment fonctionne un repêchage d’expansion en LNH ?

Le 21 juillet prochain, Ron Francis dévoilera la première liste officielle des joueurs du Kraken de Seattle. Le processus d’expansion en LNH répond à un règlement strict et parfois complexe. Pour ne pas paraître démuni face à la sortie des eaux du Kraken, le CCS vous propose un récapitulatif de la réglementation actuelle pour faire naître une nouvelle franchise en LNH. Un parallèle avec la réussite des Golden Knights de Las Vegas est inévitable, mais est-ce simplement un mirage pour les dirigeants du Kraken ?

Une fois la Coupe Stanley remise aux champions 2020-21, la planète hockey aura les yeux rivés sur cet évènement. Une expansion peut bouleverser l’avenir de la LNH sur le long terme ou même dès la saison prochaine, comme dans le cas de Las Vegas, perturber la hiérarchie établie au sein de la ligue. Ce processus d’expansion implique toutes les franchises, de prêt ou de loin et son fonctionnement peut paraître abstrait : clause de non-mouvement, protection de joueurs, plafond salarial, négociations de contrats… Tous les rouages de la LNH se mettent en mouvement au même moment. Explications et analyses.

💠 Un histoire des expansions qui suit l’évolution de la LNH

Pendant plus de 30 ans, les Six équipes originales ont rythmé la vieille LNH avant que le commissaire Clarence Campbell ne décide de doubler le nombre de franchise pour la saison 1967-1968. La plus grande vague d’expansion pour une ligue majeure en Amérique du Nord. L’idée était alors d’intégrer deux équipes tous les deux ans jusqu’à atteindre le nombre de 30. En 2000, les arrivées des Blue Jackets à Columbus et du Wild dans le Minnesota marquent l’accomplissement de ce long projet en LNH et ce, malgré plusieurs échecs. 24 franchises se sont ajoutées aux Six Originals depuis 1967 : les règles des expansions ont considérablement évolué et la manière de les appréhender aussi.

Chronologie des expansions en LNH – Source : The Game Haus

Depuis sa création en 1917, la LNH n’a cessé de s’étendre et les prix des expansions ont suivi l’évolution du marché. Les Blackhawks et les Rangers ont payé 12 000$ en 1926 pour intégrer la ligue. En 1967, les six nouvelles franchises ont versé 6 millions de dollars. En 1991 et 1992, les Sharks, Sens et le Lightning ont déboursé 45 millions de dollars ! Les Golden Knights sont nés en 2017 pour une somme totale de 500 millions de dollars. Et notre sujet du jour, le Kraken ? 650 millions de dollars. Dans les quatre principales ligues nord-américaines (suivez ce lien pour plus de détails sur les expansions en NBA), les expansions constituent des témoins l’évolution du marché des sports. Un énorme gain immédiat de liquidité pour les ligues et une source d’intéressement pour le public.

L’un des tournants les plus marquants dans l’histoire de la LNH est sans aucun doute l’instauration d’un plafond salarial pour la saison 2005-06. Une décision très longuement discutée qui a conditionné les 15 dernières années de la ligue mais aussi redessiné le règlement des expansions. Avec cette nouvelle condition, en 2017, l’arrivée de Las Vegas est apparue comme une opportunité pour les franchises souhaitant se débarrasser des salaires encombrants.

💠 Un règlement identique à celui de Las Vegas

Seattle est la seconde franchise à entrée en LNH depuis Las Vegas en 2017. Le repêchage d’expansion se tiendra le 21 juillet, mais il est l’échéance d’un processus bien précis qui répond à un règlement clair et un calendrier minutieux. Ainsi comme les Golden Knights, le Kraken doit sélectionner un joueur par équipe, à l’exception de la franchise de Las Vegas exemptée en raison de son statut de « club d’expansion ». Mais le repêchage n’est pas la seule manière pour Ron Francis &co de composer sa liste. Le Kraken peut également piocher chez les joueurs coupés par les clubs ou négociés avec certains joueurs. Regardons en détail les modalités de ce repêchage :

💠 13 juillet : Date limite pour que les franchises lèvent ou confirment les clauses de non-mouvement pour certains joueurs. Un joueur bénéficiant d’une clause de non-mouvement doit impérativement figurer sur la liste de protection de sa franchise.

💠 24 heures après le dernier match de la Coupe Stanley : Première période de négociations des contrats, appelée période de « buyout« . Une période qui sera cruciale pour les franchises surtout avec un plafond salarial gelé pour encore une année.

💠 16 juillet : Dernier jour pour que les joueurs acceptent/refusent leur clause de non-mouvement. Dernier jour pour que les franchises établissent leur liste de joueurs protégés.

💠 17 juillet : Les 30 franchises de la LNH concernées par le repêchage d’expansion présentent leurs listes de joueurs protégés, deux formules s’offrent à elles :

🔹 A) 7 attaquants / 3 défenseurs / 1 gardien

🔹 B) 8 patineurs (attaquants/défenseurs) / 1 gardien

💠 Du 17 juillet au 21 juillet : Gel des échanges pour les 31 équipes de LNH. Durant cette période, Seattle a l’exclusivité pour échanger et négocier avec tous les agents avec ou sans restriction qui n’ont pas été protégés. Si le Kraken signe un joueur durant cette période, il compte comme un choix de repêchage d’expansion.

💠 21 juillet : Annonce officielle par la LNH de la liste des joueurs choisis par le Kraken de Seattle.

Cérémonie du repêchage de Las Vegas en 2017 – Source : NHL.com

Derrière ce calendrier très stricte, des règles spécifiques s’appliquent directement aux franchises, même au Kraken.

💠 Règlement pour le Kraken de Seattle :

Le total de 30 joueurs repêchés par le Kraken devra se décliner de la façon suivante : des minimums de 14 attaquants, 9 défenseurs et 3 gardiens de but. Seattle doit sélectionner un minimum de 20 joueurs ayant un contrat valide en vue de la saison 2021-2022.

💠 Règlement pour les 30 franchises de LNH :

Outre la réglementation imposée aux listes de joueurs protégés, les franchises doivent aussi respecter d’autres règles importantes. Les joueurs de première ou deuxième année au niveau professionnel, et les choix au repêchage n’ayant pas encore paraphé de contrat, sont exemptés du processus de sélection. Les franchises de la LNH doivent s’assurer de respecter les conditions suivantes quant au profil des joueurs qu’elles ont opté de ne pas protéger :

  • Un défenseur qui est sous contrat pour la saison 2021-2022 et qui a disputé soit 40 matchs durant la saison 2020-2021, soit 70 matchs sur les deux dernières saisons.
  • Deux attaquants qui sont sous contrat pour la saison 2021-2022 et qui ont disputé soit 40 matchs durant la saison 2020-2021, soit 70 matchs au cumulatif des deux dernières saisons.
  • Tout joueur ayant subi une blessure représentant un risque la suite de sa carrière et qui s’est absenté lors des 60 plus récents matchs de son équipe ne peut satisfaire les critères décrits ci-dessus.

Vous l’aurez donc compris, un repêchage d’expansion en LNH est un événement certes très excitant pour les fans de hockey, mais aussi terriblement complexe dans son fonctionnement concret. Entre négociations et repêchage, le Kraken et surtout l’équipe de direction, devra faire preuve d’intelligence pour constituer une liste performante. Mais la question que tout le monde se pose est la suivante : le Kraken peut-il emprunter le même chemin doré que Las Vegas ?

💠 Seattle peut-il réitérer le miracle des Golden Knights ?

Notons d’abord que les règlements de la LNH pour les repêchages d’expansion sont considérablement plus généreux que pour les dernières datantes des années 1990′ ou de l’année 2000. Souvenez-vous. Lors de l’expansion de 1992 concernant les Sénateurs d’Ottawa et le Lightning de Tampa Bay, les franchises étaient autorisées à protéger 14 patineurs et 2 gardiens. En 1998, pour les Predators de Nashville, la formule a commencé à être plus à l’avantage de la nouvelle franchise puisque les clubs avaient le choix entre 1 gardien, 5 défenseurs et 9 attaquants ou 2 gardiens, 3 défenseurs et 7 attaquants.

Ainsi Las Vegas a bénéficié de deux éléments déterminants : des protections plus restreintes pour les autres franchises et la mise en place du plafond salarial. Le Kraken se retrouve donc avec les mêmes avantages, ou plutôt conditions, que les Golden Knights. Mais attention, balayons tout de suite les hésitations et les faux espoirs : la construction de la liste de Vegas ne s’est pas faite en un jour. Il y a peu de chance que les nouveaux partisans du Kraken soient excités lorsque les 30 joueurs repêchés par leur équipe seront révélés.

Le directeur général du Kraken, Ron Francis, aura fort à faire – Source : Youtube

Depuis leur création, les Golden Knights affichent un niveau exceptionnel pour une équipe d’expansion. Un niveau très critiqué, ou simplement jalousé par de nombreux partisans. Depuis 2017, Las Vegas a toujours été sur le podium de sa division, toujours qualifié pour les Séries éliminatoires. L‘épopée de leur saison inaugurale jusqu’en finale de la Coupe Stanley reste un moment inoubliable de l’histoire récente de la LNH. Cette année, Vegas est toujours en course pour glaner sa première coupe au moment d’écrire ce papier (VGK actuellement en demi-finale contre le CH).

Mais souvenez-vous. La liste de départ des Knights n’était pas très excitante. Ce constat est rapporté par le journaliste de The Athletic, Eric Duhatschek. Il explique que 10 des 30 joueurs choisis par les Golden Knights lors du repêchage d’expansion n’ont jamais joué pour Vegas et 5 autres ont joué 60 matchs ou moins. Cela signifie que la moitié des joueurs qu’ils ont sélectionnés lors du repêchage d’expansion lui-même n’ont apporté aucune contribution significative au succès rapide de l’organisation. Vegas a construit un modèle. Ils ont basé leur réussite sur des paris, comme un hommage à Sin City. C’est là que tout le talent de Kelly McCrimmon s’est illustré et que celui de Ron Francis sera jugé. Le DG des Knights est allé chercher des joueurs de basses réputations, loin dans les listes des franchises, pour en dégager une plus-value sportive. Dans de nombreux cas, l’évaluation de McCrimmon s’est avérée payante.

Un noyau pour les Knights – Source ; NHL.com

Alors, que retenir de l’expérience de Vegas pour Seattle ? Surtout, que le repêchage d’expansion n’est qu’une première étape, certes importante, mais transitoire. Le Kraken va rechercher la meilleure complémentarité possible, tout comme Vegas l’a faite. Mais ce n’est pas la même chose que de sélectionner le meilleur joueur adaptable au projet d’équipe ou le plus reconnu dans la ligue. C’est une distinction nuancée, mais importante. Que les fans du Kraken ne désespèrent pas si Ron Francis ne sélectionne pas Mark Giordano des Flames ou James Van Riemsdyk des Flyers. Il y a une certaine logique derrière chaque sélection.

La construction d’une nouvelle franchise de LNH est un événement exceptionnel et tout à fait excitant. Dans l’euphorie des Séries pour l’instant, le monde du hockey va directement se tourner vers Seattle dès que la Coupe Stanley aura choisi son vainqueur. Vous l’aurez compris, il n’y a pas de recette miracle pour réussir son premier repêchage. Il est très difficile de prédire un destin similaire à Vegas pour le Kraken d’autant que cette fois, les franchises sont prévenues et connaissent l’importance d’une bonne sélection des joueurs protégés. Ron Francis devra faire preuve d’ingéniosité pour donner à Seattle une équipe compétitive mais chers fans du Kraken, ne soyez pas déçus le 21 juillet prochain. La construction d’une franchise prétendante est un long processus qui peut s’apparenter à un long chemin de croix.

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